Page 37 - Rapport de synthèse
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RAPPORT DE SYNTHESE DU PROJET DECONSTRUIRE LA VIOLENCE PAR L’ART
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        cher d’éléments concrets et caractéristiques. Elle favorise      1.8. Dégoût et surprise  : deux émotions difficilement
        également la reconnaissance des émotions chez soi et chez   identifiables
        les autres.
           Selon cette dernière référence, laisser les émotions s’ex-  Lors de l’atelier consacré à la conceptualisation de ces deux
        primer, dans une certaine mesure c’est-à-dire sans que cela   émotions, nous avons remarqué que les enfants manifestent
        nuise à soi ou aux autres, permet de leur laisser une place, un   une certaine ambiguïté lors de la décortication des émotions
        espace qui permet aux élèves de se sentir plus « légers ».  « dégoût »  et  « surprise »,  qui  leur  sont  difficilement  identi-
           Citons à titre d’exemple un enfant qui a rapporté en   fiables : les enfants avaient tendance à fusionner la surprise
        riant « je me suis disputé avec mon ami en le poussant par   avec la joie et le dégoût à la colère.
        terre, ce qui l’a blessé à la main, qui a saigné ». Nous avons      Une revue de la littérature nous a permis de comprendre
        remarqué  la non  prise de conscience  du comporte-    que cette ambiguïté s’avère normale puisque l’identification
        ment erroné pris par l’enfant et la banalisation de l’acte   de ces deux émotions n’est acquise que relativement tard,
        par des rires.                                         entre 6 et 10 ans (Widen & Russel, 2013) tandis que l’identi-
           A partir de ce témoignage, nous confirmons que l’empa-  fication de l’émotion de joie est déjà bien acquise à 3 ans et
        thie manque chez ces enfants. Nous avons demandé à cet   celles des émotions de tristesse, colère et peur sont recon-
        enfant de se mettre à la place de son ami et de réfléchir à ce   nues vers 5-6 ans (Boyatzis, Chazan & Ting, 1993 ; Durand et
        qu’il a ressenti. Selon Stetson (1998), le fait de ressentir des   al., 2007).
        émotions similaires à celles d’une autre personne pourrait      La difficulté manifestée par les enfants face à ces deux
        motiver l’enfant à répondre d’une manière altruiste (cité par   émotions est aussi due à la complexité de l’acquisition et du
        Damasio, 1998).                                        développement émotionnel. Dans ce contexte, notons qu’à
           Girard et al. (2014) stipulent que l’empathie est une ré-  partir de 5 ans, l’enfant commence à comprendre l’influence
        ponse émotionnelle concordante avec l’état affectif d’autrui   des désirs sur les émotions (e.g. Harris, Johnson, Hutton,
        qui se produit conséquemment à la capacité de l’observateur   Andrews & Cooke, 1989) et vers 6-7 ans il comprend en plus le
        à prendre la perspective de l’autre. Cette capacité implique   rôle des croyances et des perceptions sur les émotions (e.g.
        que l’individu doit être en mesure de réfléchir aux états men-  Bradmetz & Schneider, 1999). Il commence aussi à cet âge à
        taux d’autrui.                                         faire la distinction entre l’apparence et la réalité d’une émo-
           L’empathie va diminuer les troubles du comportement   tion, par exemple qu’il est possible de masquer une émotion
        observés chez certains enfants. En effet, des études récentes   (e.g. Wellman & Liu, 2004 ; Perron & Gosselin, 2007). A partir
        démontrent que les difficultés quant à la capacité d’être em-  de 8 ou 9 ans, l’enfant va comprendre l’incidence des règles
        pathique, d’adopter des comportements prosociaux et de   morales sur certaines émotions (ex : se sentir coupable pour
        prendre la perspective d’autrui sont fortement reliées à la   un acte moralement répréhensible) (e.g. Lake, Lane & Har-
        présence de trouble du comportement chez l’enfant.     ris, 1995). Vers 9 ou 10 ans, il comprend également les émo-
           En effet, nous avons pu détecter chez certains enfants,   tions mixtes (e.g. Peng, Johnson, Pollock, Glasspool & Harris,
        durant quasiment tous les ateliers et plus précisément lors   1992).
        des groupes de paroles, un manque d’empathie. Parmi les      Ainsi, nous pouvons dire que pour nos enfants, c’est tout
        participants, certains se montrent indifférents à la douleur   à fait naturel d’associer les émotions à des situations contex-
        d’autrui. Ils ne ressentent pas de préoccupation pour la souf-  tuelles (le dégoût est culturellement associé à une certaine
        france vécue par un camarade.  Ils peuvent même y trouver   violence).
        du plaisir et en rire. D’autres se montrent insensibles face à
        des situations tristes et à un vécu pénible. Ou encore, ils ne      1.9. Comportement provocateur et oppositionnel
        complimentent jamais leurs camarades, ils n’ont pas cette
        capacité à donner un retour positif aux autres. Quelques   Les enfants opposants donnent ce sentiment de vouloir maî-
        enfants n’accordent pas d’intérêt aux propos des autres. Ils   triser la relation, voire maîtriser l’objet, comme si rien ne pou-
        n’écoutent pas ce qu’on leur dit.                      vait jamais être satisfaisant.
           Ce manque d’empathie serait-il la défaillance d’un envi-     En effet, nous avons remarqué durant les ateliers que
        ronnement chaleureux, attentionné et accueillant ?     certains enfants présentent un comportement oppositionnel
        D’autres raisons pourraient expliquer cet affaiblissement des   et de provocation. Ils s’opposent aux consignes des anima-
        capacités empathiques résident dans la surexposition aux   trices. Par exemple, un élève a quitté la salle durant l’atelier
        médias et aux réseaux sociaux envahis par la violence “vir-  malgré les interdictions des animatrices et a répété ce com-
        tuelle”. Une fois connectés à un mobile, sur une tablette ou un   portement durant toutes les séances et a importuné ses ca-
        ordinateur portable, beaucoup ne sont pas enclin à se décon-  marades sans but apparent. D’autres enfants ont présenté
        necter pour répondre à l’entourage réel.               des comportements agressifs et colériques avec une hype-
           Durant les ateliers avec les enfants, nous avons travail-  ractivité motrice dans le but de la provocation. Ce comporte-
        lé sur la sensibilisation et sur les conséquences néfastes de   ment serait-t-il une manière que l’enfant utilise pour se mon-
        l’exposition aux violences virtuelles aux médias et aux ré-  trer et s’affirmer ?
        seaux sociaux. De même les psychologues ont invité régu-     Selon Hammarrenger (2016), dans l’enfance, un trouble
        lièrement les enfants peu empathiques à rendre service, à   d’opposition / provocation apparaît habituellement pour
        consoler un ami ou à aider un enfant plus petit, par exemple.   l’une des raisons suivantes: L’enfant n’est pas reconnu par
        En lui faisant remarquer combien son geste est apprécié, il se   ses parents dans ses besoins, dans son individualité et dans
        sentira valorisé. Par la suite, il comprendra mieux comment   sa recherche d’autonomie ;  l’enfant et ses parents n’ont pas
        les autres peuvent se sentir face à son comportement et à   réussi à établir un lien de confiance mutuelle ; l’enfant a ap-
        son attitude.                                          pris que l’opposition est payante (exemple: il reçoit davantage

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