Page 103 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
comme des poissons dans l'eau. Ils ne se font plus
d'illusions. Ils ne pourraient plus vivre enfermé entre
quatre murs. Ils ne pourraient plus travailler sous les
ordres d'un patron ou d'un chef. Ils ont appris la liberté,
ils en ont payé le prix. Ils n'ont pas l'intention d'y
renoncer. Eux savent se débrouiller, connaissent tout les
trucs. Pour eux, la rue est leur royaume.
Mais encore une fois, ça reste une grande minorité.
Au foyer je retrouve du travail en intérim, dans une
ancienne société pour laquelle j'ai déjà travaillé et ayant
laissé un bon souvenir des années auparavant.
L'agence intérimaire m'envoie dans une compagnie
d'assurances, au service documentations.
Je remonte la pente petit à petit.
Le premier mois, bien que je sois nourris, logé blanchis,
j'ai hâte de toucher mon premier salaire. C'est une fierté
de savoir que là, c'est moi qui l'ai gagné. Pas de la charité,
pas une aide sociale.
Je vais rester encore six mois dans ce foyer. Je redeviens
humain. Le travail me plais bien, même si ce n'est
qu'intérimaire. Le midi je vais manger dans une brasserie
voisine, un repas rapide, croque monsieur, omelette,
salade... Le soir je rentre au foyer en attendant de trouver
un appartement. Ce qui est fait au bout des six mois.
Ah le bonheur de rentrer chez soi, le soir après le
boulot ! La plupart des gens n'ont pas idée, parce que
pour eux c'est une routine quotidienne, mais combien ça
fait du bien à quelqu'un qui vient de passer un an et demi
à la rue. Pouvoir allumer la télé, se servir un verre,
manger chaud, chez soi... De prendre une douche chaude,
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