Page 17 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Un ciel anthracite traînant ses nuages plus gris
ardoise que noir, évoquant, si on se concentre un peu, des
délinéaments, des visages, des animaux.
Les faisceaux du soleil couchant percent les nuages et
cerne de stries une région lointaine, probablement des
ondées tombantes sur la ville voisine et qui ne vont pas
tarder à nous atteindre.
Une journée ordinaire, pluvieuse et froide d'un novembre
déjà oublié.
Quelques créatures éthérées encapuchonnées, sur ce
boulevard brillant de solitude où ne fleurissent que de
noirs parapluies, se hâtent vers un peu de chaleur et une
rassurante tranquillité devant la télé, un bon repas, un
repos bien mérité, et plus tard, un lit chaud et douillet.
Quelques éclairs et un roulement de tambour pour leur
dire " dépêchez-vous de rentrer chez vous ! ". C'est Dieu
qui joue au bowling, mais il joue si mal que Saint-Pierre
en pisse de rire et c'est sur nous que ça retombe !
Je m'appelle Claude Cotard, j'ai 35 ans et je suis un SDF.
Personne ne peut venir me sauver. À moi de me
débrouiller. Je subis, mais je ne veux pas oublier que je
suis un homme. Je m'éreinte, à tenter de vivre, de
survivre.
Je n'en peux plus. Je suis à bout. J'ai perdu 10 kilos
depuis que je suis à la rue, il y a 1 ans.
Parfois, j'ai envie de tout lâcher. Mais non, je tiens bon.
Je veux m'en sortir, mais sans aide extérieure c'est
impossible de quitter la rue.
Pourtant, je suis opiniâtre, mais la rue m'a rendu
insociable, suspicieux. J'en ai ras le bol, mais le mal que
l'on m'a fait avant est mille fois plus dur que ce mal-là.
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