Page 93 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
La plupart viennent de province, voire d'origine
étrangère.
Moi je suis parisien depuis une bonne dizaine de
générations, si ce n'est plus. En tout cas côté paternel.
Ma zone, c'est plutôt le centre, entre rive droite et rive
gauche, le Louvre et le Marais, entre le quartier des halles
et celui de Saint-Germain. C'est mon fief.
En même temps ce sont les quartiers les plus festifs.
Ma vie à moi n'est pourtant pas festive tout les
jours. Dans les pires moments, il arrive que je ramasse à
terre, sur les places après le marché, des morceaux de
pains, de fruits ou de légumes, parfois à moitié gelés et
humides par la pluie, pour manger. Je ne suis pas le seul.
Il y en a d'autres qui glanent ça et là tout ce qu'ils peuvent
récupérer et que les maraichers jettent parce que c'est
invendable.
Il y a aussi ceux qui, le soir, après la fermeture des grande
surfaces, vont fouiller les poubelles afin d'essayer de
trouver tout ce que les gérants, les magasiniers ont jeté
parce que la date de péremption est passé, parce que
certains emballages sont abimés, parce que ce n'est plus
vendable. Ces aliments qui ne peuvent être renvoyés au
grossiste.
Les plus téméraires font les poubelles des restaurants, les
poubelles publiques, celles des particuliers.
Moi je n'ai jamais eu l'audace. Mais les marché oui, et
encore, quand celui-ci était quasiment déserté. Trop de
honte, trop de fierté encore pour m'afficher au milieu des
miséreux digne de la cour des miracle et qui paradent
parfois en fanfaronnant devant les cantines des gueux.
Oui, au 21e siècle, ça existe encore !
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