Page 7 - Des ailes pour le Brésil
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Je suis né en 1937, dans la nuit qui précède
la nativité, jour du solstice d’hiver et du début
du retour du soleil.
Mon premier souvenir est celui d’une longue
berline noire, que le temps écoulé semble
rendre plus sombre encore.
Ma famille voulait rejoindre l'Amérique du Sud.
Mon père était né au Chili et mon grand-père maternel avait
développé des relations commerciales entre la France et l’Amérique
du Sud.
Le 14 juin 1940, le bruit des bottes de la Wehrmacht résonne sur
l’avenue des Champs-Élysées. L’exode commence, des colonnes de
millions de réfugiés civils déboussolés circulent sur les routes de
France, que les avions italiens et allemands mitraillent sans pitié.
Exode, ce mot biblique ouvre les plaies mal cicatrisées de notre
mémoire nationale.
Ma mère avait obtenu les précieux visas, quelques jours après
la signature de l’armistice du 19 juin 1940.
Le « visa pour la famille »1 faisait partie de trente mille autres,
dont ceux de la Cour royale du Luxembourg, délivré par Aristide
Mendes, le fameux et dévoué consul du Portugal de Bordeaux.
Mes parents, ma sœur aînée et mon frère avons enduré les routes
tortueuses d’une Espagne, que les années précédentes, la guerre
civile avait dévasté et baigné dans un bain de sang.