Page 17 - Eléments Post Replica - Théâtre Louis Calaferte Tarabuste_Classical
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des personnages se ramène à seulement quatre murs. La vraie vie se que des pièces « intimistes » comme L’Entonnoir, L’Aquarium et
déroule, elle, à l’extérieur : le train et ses passagers qui grouillent surtout Les Derniers Devoirs (respectivement 62, 60 et 84 pages). Pas
(Trafic), les événements violents qui se produisent chez le voisin (Les plus que la structure, la longueur n’est un critère pertinent pour
Miettes), le monde du travail que les parents de L’Entonnoir ont décrire les deux sous-genres « intime » et « baroque ». La baroquerie
quitté et qu’ils commencent déjà à regretter, ou pourquoi pas la vie chez Calaferte n’est ni affaire de simplicité ni affaire de sobriété
bien meilleure que l’époux de Chez les Titch et l’épouse de Tu as d’action, et la dissidence de son théâtre «baroque» ne vise pas certai-
bien fait de venir, Paul ont enfin trouvée en s’échappant de leur cadre nement pas l’esthétique classique.
mortifère. Ces personnages ne vivent d’ailleurs pas vraiment : ils
sont saisis dans l’entre-deux d’une attente, à moins qu’ils passent en Un baroque qui n’est pas celui d’Anouilh
fait leur vie à attendre, que leur vie même ne soit qu’une attente, il est en revanche bien plus tentant d’interroger une famille
comme celle des personnages de beckett qui au bout du compte ne proche de celle des pièces de Calaferte, bien plus proche que le réper-
vivent qu’à attendre de façon interminable une mort qui ne vient toire théâtral de l’âge classique: la famille des pièces «baroques» de
jamais vraiment. Les titres mêmes de certaines des pièces rendent Jean Anouilh, famille contemporaine de celles de Calaferte. Anouilh
compte de cet enfermement de personnages condamnés à une mort est en effet l’autre dramaturge français du XX siècle à avoir cons-
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lente : « L’Aquarium » ne désigne rien d’autre que le cadre transpa- titué un répertoire de pièces baroques: il s’était proposé en 1974 de
rent à travers lequel le spectateur est appelé à observer le couple de regrouper en une livraison de Pièces baroques trois pièces de théâtre
quadragénaires tournant en rond dans sa pièce à attendre quelqu’un écrites entre 1969 et 1972 . Ce nouveau sous-genre, sur lequel il ne
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qui ne viendra pas ; « L’entonnoir » décrit la situation inextricable s’est pas plus expliqué que sur les précédents, prenait ainsi place à
d’un couple de parents impuissants dont la marge de manœuvre se côté des autres sous-genres dans lesquels Anouilh avait jusqu’ici
réduit peu à peu. regroupé son œuvre précédent : pièces roses, noires, brillantes, grin-
Les personnages du théâtre intime de Calaferte ne sont qu’at- çantes, costumées, et plus tard secrètes et farceuses. Le tiroir baroque
tente et leurs discours, discours de l’attente: du train qui doit passer n’allait d’ailleurs déjà pas de soi chez Anouilh: les sous-genres précé-
(Trafic), du père absent (Chez les Titch), de l’ami du mari rencontré dents indiquaient le « ton » des pièces, à l’exception de celui des
la veille à la Poste (L’Aquarium), de ce qui va se passer chez les voisins costumées qui désignait des pièces historiques consacrées à Jeanne
(Les Miettes), des croque-morts (Les Derniers Devoirs)… d’Arc, à thomas becket et aux Cent-Jours .
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On voit ici pourquoi Clotilde du Nord n’a pas été classée dans le Le sous-genre baroque reflétait en revanche chez Anouilh une
théâtre «intimiste»: sa noirceur et son réalisme sont certes proches structure: les trois pièces rangées dans ce tiroir présentaient les jeux
de la noirceur et du réalisme de Tu as bien fait de venir, Paul. Mais d’abyme connus sous l’appellation « théâtre dans le théâtre », jeux
si Clotilde n’a pas été classée, ce n’est pas parce qu’elle est la première d’abyme qui appartiennent effectivement (mais pas seulement) à la
pièce de Calaferte, antérieure à tout projet de classement en sous- veine du théâtre baroque européen. Si cette classification par Anouilh
genre, mais bien parce qu’elle n’appartient en rien à l’univers des ne va pourtant pas vraiment de soi, c’est dans la mesure où il aura
pièces « intimistes ». écrit quelques autres pièces présentant de tels jeux d’abyme mais
qu’il aura classées dans d’autres sous-genres . On pourrait dire égale-
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Les pièces « baroques » ment, de la même façon que Victor Viala le dit de Calaferte que,
Ce qui vole en éclat dans les pièces baroques, en comparaison de ce point de vue, c’est en quelque sorte « tout le théâtre » d’Anouilh
du théâtre intimiste, est avant tout le corset du cadre étouffant dans qui est baroque. Mais le baroque de Calaferte n’est pas non plus le
20 lequel se déroule le drame. baroque d’Anouilh : la seule dimension abyssale du théâtre de 17
Calaferte est celle qui, dans l’Opéra bleu (1977), fait de l’écrivain un