Page 20 - Eléments Post Replica - Théâtre Louis Calaferte Tarabuste_Classical
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des personnages se ramène à seulement quatre murs. La vraie vie se                     que des pièces « intimistes » comme L’Entonnoir, L’Aquarium et
                    déroule, elle, à l’extérieur : le train et ses passagers qui grouillent                surtout Les Derniers Devoirs (respectivement 62, 60 et 84 pages). Pas
                    (Trafic), les événements violents qui se produisent chez le voisin (Les                plus que la structure, la longueur n’est un critère pertinent pour
                    Miettes), le monde du travail que les parents de L’Entonnoir ont                       décrire les deux sous-genres « intime » et « baroque ». La baroquerie
                    quitté et qu’ils commencent déjà à regretter, ou pourquoi pas la vie                   chez Calaferte n’est ni affaire de simplicité ni affaire de sobriété
                    bien meilleure que l’époux de Chez les Titch et l’épouse de Tu as                      d’action, et la dissidence de son théâtre «baroque» ne vise pas certai-
                    bien fait de venir, Paul ont enfin trouvée en s’échappant de leur cadre                nement pas l’esthétique classique.
                    mortifère. Ces personnages ne vivent d’ailleurs pas vraiment : ils
                    sont saisis dans l’entre-deux d’une attente, à moins qu’ils passent en                    Un baroque qui n’est pas celui d’Anouilh
                    fait leur vie à attendre, que leur vie même ne soit qu’une attente,                       il est en revanche bien plus tentant d’interroger une famille
                    comme celle des personnages de beckett qui au bout du compte ne                        proche de celle des pièces de Calaferte, bien plus proche que le réper-
                    vivent qu’à attendre de façon interminable une mort qui ne vient                       toire théâtral de l’âge classique: la famille des pièces «baroques» de
                    jamais vraiment. Les titres mêmes de certaines des pièces rendent                      Jean Anouilh, famille contemporaine de celles de Calaferte. Anouilh
                    compte de cet enfermement de personnages condamnés à une mort                          est en effet l’autre dramaturge français du XX siècle à avoir cons-
                                                                                                                                                  e
                    lente : « L’Aquarium » ne désigne rien d’autre que le cadre transpa-                   titué un répertoire de pièces baroques: il s’était proposé en 1974 de
                    rent à travers lequel le spectateur est appelé à observer le couple de                 regrouper en une livraison de Pièces baroques trois pièces de théâtre
                    quadragénaires tournant en rond dans sa pièce à attendre quelqu’un                     écrites entre 1969 et 1972 . Ce nouveau sous-genre, sur lequel il ne
                                                                                                                                 5
                    qui ne viendra pas ; « L’entonnoir » décrit la situation inextricable                  s’est pas plus expliqué que sur les précédents, prenait ainsi place à
                    d’un couple de parents impuissants dont la marge de manœuvre se                        côté des autres sous-genres dans lesquels Anouilh avait jusqu’ici
                    réduit peu à peu.                                                                      regroupé son œuvre précédent : pièces roses, noires, brillantes, grin-
                      Les personnages du théâtre intime de Calaferte ne sont qu’at-                        çantes, costumées, et plus tard secrètes et farceuses. Le tiroir baroque
                    tente et leurs discours, discours de l’attente: du train qui doit passer               n’allait d’ailleurs déjà pas de soi chez Anouilh: les sous-genres précé-
                    (Trafic), du père absent (Chez les Titch), de l’ami du mari rencontré                  dents indiquaient le « ton » des pièces, à l’exception de celui des
                    la veille à la Poste (L’Aquarium), de ce qui va se passer chez les voisins             costumées qui désignait des pièces historiques consacrées à Jeanne
                    (Les Miettes), des croque-morts (Les Derniers Devoirs)…                                d’Arc, à thomas becket et aux Cent-Jours .
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                      On voit ici pourquoi Clotilde du Nord n’a pas été classée dans le                       Le sous-genre baroque reflétait en revanche chez Anouilh une
                    théâtre «intimiste»: sa noirceur et son réalisme sont certes proches                   structure: les trois pièces rangées dans ce tiroir présentaient les jeux
                    de la noirceur et du réalisme de Tu as bien fait de venir, Paul. Mais                  d’abyme connus sous l’appellation « théâtre dans le théâtre », jeux
                    si Clotilde n’a pas été classée, ce n’est pas parce qu’elle est la première            d’abyme qui appartiennent effectivement (mais pas seulement) à la
                    pièce de Calaferte, antérieure à tout projet de classement en sous-                    veine du théâtre baroque européen. Si cette classification par Anouilh
                    genre, mais bien parce qu’elle n’appartient en rien à l’univers des                    ne va pourtant pas vraiment de soi, c’est dans la mesure où il aura
                    pièces « intimistes ».                                                                 écrit quelques autres pièces présentant de tels jeux d’abyme mais
                                                                                                           qu’il aura classées dans d’autres sous-genres . On pourrait dire égale-
                                                                                                                                               7
                      Les pièces « baroques »                                                              ment, de la même façon que Victor Viala le dit de Calaferte que,
                      Ce qui vole en éclat dans les pièces baroques, en comparaison                        de ce point de vue, c’est en quelque sorte « tout le théâtre » d’Anouilh
                    du théâtre intimiste, est avant tout le corset du cadre étouffant dans                 qui est baroque. Mais le baroque de Calaferte n’est pas non plus le
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