Page 2 - Prologue
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Assurément, la plupart étaient séduisants, mais elle ne ressentait
pour eux aucune tendre inclination. Des mots qui, normalement,
n'étaient pas évoqués lorsque l'on parlait d'un mariage entre
nobles. Mais être la fille unique et adorée d'un duc avait ses
avantages et son père lui avait toujours assuré que lorsque le temps
viendrait pour elle de prendre un époux, il la laisserait choisir ses
prétendants, même s'il se garderait toujours le droit à la décision
finale.
Eleanor revêtit rapidement une simple robe de jour et garda la
natte qu’elle portait la nuit. Elle quitta sa chambre et se dirigea vers
la salle à manger où un succulent petit-déjeuner l’attendait déjà.
Comme à son habitude, son père avait passé une bonne partie
de la nuit à jouer aux cartes dans son club et ne se lèverait pas
avant des heures. Sa mère, en revanche, était déjà debout,
impeccablement apprêtée. Elle sirotait un café fort tout en lisant le
journal. Comme tous les matins, elle était parfaite, aucun cheveu ne
dépassait de son chignon sophistiqué et pas un pli ne venait froisser
sa robe de soie. La duchesse de Bridgewater leva les yeux par-
dessus le journal et scruta sa fille d’un regard désapprobateur.
— Est-ce ainsi accoutrée que tu descends, ma fille ?
Eleanor sourit, habituée au perfectionnisme de sa mère. Elle
avait toujours été très critique envers sa fille, mais savait aussi la
complimenter lorsqu’elle était fière d’elle. C’est pourquoi la jeune
fille ne prenait jamais ombrage de ses remarques parfois acerbes.
Elle savait que ce même sens inné de la perfection était ce qui
l’avait façonnée, faisant d’elle une fille accomplie, qui savait aussi
bien danser dans les salons que rédiger un contrat d’affaires.
Du fait des origines américaines de la duchesse, Eleanor n’avait
pas reçu l’éducation classique d'une jeune fille de bonne famille. En
plus du reste, elle savait comment investir son argent et manipuler
une arme à feu aussi bien qu’un homme. Annabelle Clarke, devenue
duchesse, était la nièce de John Moses Browning, célèbre fabricant
d’armes à feu. Ce qui avait d’ailleurs scandalisé la haute société
anglaise lors de son mariage avec le duc d’Egerton. Tous
considéraient qu’il s’agissait d’une mésalliance honteuse et indigne
pour le duc. Mais, comme dans les contes de fées, le père d’Eleanor