Page 7 - Prologue
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Elle quitta alors la pièce à la suite de son mari, laissant la jeune
               fille  seule  avec  ses  craintes  et  sa  consternation.  Elle  déposa  sa
               fourchette sur la table, l’appétit définitivement coupé.

                   L’après-midi venu, son père n’avait toujours pas changé d’avis,
               et  ne  voulait  pas  s’en  expliquer,  malgré  les  supplications  de  sa
               femme de lui fournir au moins une raison.
                   Eleanor était installée devant sa coiffeuse alors que sa femme
               de chambre nouait ses cheveux et les fixait grâce à de nombreuses
               épingles qui lui tiraient douloureusement le cuir chevelu. Ses yeux
               étaient restés secs, d’une part parce qu’elle n’arrivait pas vraiment
               à admettre que son père était sérieux, et d’autre part parce qu’elle
               avait appris très tôt que pleurer ne servait pas à grand-chose. Dans
               le  cas  présent,  si  son  père  était  assez  résolu  pour  ne  pas  céder
               devant sa femme chérie, les pleurs de sa fille n’y changeraient sans
               doute rien. Elle allait rencontrer cet homme, ce Lord Grant, et lui
               expliquer très clairement qu’elle ne voulait pas de sa demande. Elle
               ne  croyait  pas  un  instant  qu’un  gentleman  la  trainerait  jusqu’à
               l’autel si elle se débattait bec et ongles.
                   Elle portait une robe pastel, très quelconque, mais qui la faisait
               passer pour plus jeune qu’elle n’était, avec son décolleté sage et sa
               coupe informe. Il était hors de question qu’elle s’apprête pour cet
               homme en lui donnant ainsi la fausse impression qu’elle souhaitait
               lui plaire.
                   Sa  coiffure  enfin  prête,  elle  descendit  les  escaliers  et  alla
               attendre son visiteur avec sa mère et son père dans le petit salon
               bleu.
                   La tension qui régnait dans la pièce était à peine supportable.
               Son père jetait de frénétiques coups d’œil à sa  montre  à gousset
               alors que sa mère affichait une mine renfrognée, les bras croisés,
               signe de sa colère. Elle ne disait pourtant rien, faisant simplement
               sentir qu’elle était furieuse.
                   Eleanor regardait distraitement par la fenêtre. Le petit jardin de
               la demeure était noyé sous des trombes d’eau. Le vent soufflait fort
               et le ciel, désespérément gris, ne laissait filtrer que peu de lumière.
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