Page 10 - Prologue
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— Veuillez me servir un verre, ma chère.
Les doigts de la jeune fille devinrent presque blancs à force de
serrer le dossier du canapé. La demande de cet homme si sûr de lui
et si répugnant lui enflamma soudain les veines.
— Il me semble que vous avez deux jambes, Monsieur. Je vous
invite vivement à les utiliser pour vous servir vous-même.
Lord Grant posa délicatement le bout de ses doigts les uns
contre les autres et sourit. Visiblement, cette situation le mettait en
joie. Il pencha ensuite la tête de côté et la regarda presque avec
pitié.
— Vous pensez vraiment avoir la possibilité de contrôler votre
destin, n’est-ce pas ? Laissez-moi vous prouver à quel point vous
avez tort. Hier soir, votre père et moi avons fait quelques parties de
cartes avec des amis communs. Malheureusement, il a joué de
malchance et a perdu une somme conséquente d’argent. Somme
qu’il me doit à présent.
Eleanor commençait à comprendre quel était le fin mot de
l’histoire. Son père avait toujours eu une forte dépendance au jeu.
La duchesse l’aimait malgré cela et avait su tempérer cette
addiction avant qu’elle ne leur prenne tous leurs biens.
Malheureusement, elle ne pouvait pas être partout et il arrivait
fréquemment qu’il revienne de soirée avec des dettes
considérables, promettant de se refaire le soir même. Mais si Lord
Grant était installé dans leur salon aujourd’hui, cette somme de
dettes devait avoir atteint des sommets.
Depuis quatre ans, Eleanor avait placé quelques livres, sur les
conseils de sa mère, dans des entreprises prospères qui lui avaient
rapporté un joli pécule. Si elle devait tout donner à cet homme pour
garder sa liberté, elle était plus que prête à le faire.
— Combien vous doit-il ?
— Douce fillette, je doute que vous y connaissiez quoi que ce soit en
affaires. L’argent ne doit avoir aucune valeur pour vous, ironisa le
vieil homme.
— Je sais compter, Lord Grant. Veuillez répondre à ma question,
répliqua-t-elle froidement.
— Si vous insistez. Votre père me doit cinq cent mille livres.