Page 13 - Prologue
P. 13

—  Oui,  j’imagine  que  les  robes  sont  les  seules  choses  qui  vous
               intéressent  vraiment,  vous  les  jeunes  filles  frivoles.  Très  bien,
               concéda-t-il,  je  vous  laisserai  choisir  votre  robe.  Vous  devriez  me
               remercier.
                     Les dents serrées, elle lâcha sur un ton presque moqueur.
               — Je remercie infiniment Votre Seigneurie de sa magnanimité.
                     Lord Grant contracta ses  mâchoires, sans doute agacé par son
               manque de respect. Il se leva soudain et déclara :
               — Cet entretien est terminé, nous allons pouvoir annoncer la bonne
               nouvelle à votre père.
                     Le cœur et le corps glacés, Eleanor se redressa à son tour et le
               suivit, la mort dans l’âme.

                   Londres, Bridgewater House, deux mois plus tard.

                   En  cette  froide  journée  de  novembre,  le  soleil  brillait  haut,
               annonçant une merveilleuse journée. Un véritable affront de la part
               de  la  météo,  lorsque  l'on  savait  quel  calvaire  attendait  Eleanor
               aujourd'hui.
                   La jeune lady détourna son regard du ciel, essayant de prêter
               attention  à  l'agitation  qui  régnait  autour  d'elle.  Immobile  sur  un
               petit trépied, elle se laissait faire alors que les femmes de chambre
               s’activaient  autour  d’elle  afin  de  la  préparer  pour  le  grand  jour.
               Dans  quelques  minutes,  elle  serait  mariée  à  Lord  Grant,  dans
               quelques  minutes,  elle  lierait  son  destin  et  sa  vie  à  cet  homme
               qu’elle haïssait déjà de tout son cœur. Ce soir, elle partagerait son
               lit et cette simple idée lui donnait envie de mourir.
                   Pendant  ces  deux  mois,  elle  ne  s’était  jamais  permis  de  se
               laisser  aller  à  la  mélancolie  et  au  désespoir.  Si  elle  flanchait
               maintenant, elle n’imaginait même pas ce qu’il resterait d’elle après
               quelques années de mariage.
                   Elle  avait  discuté  avec  son  père,  lui  hurlant  d’abord  dessus,
               l’accusant d’avoir gâché sa vie. Puis une fois sa colère calmée, elle
               avait écouté ses explications pour sa défense et lui avait pardonné,
               parce qu’il était son père, parce qu’elle l’aimait, parce qu’il semblait
               aussi dévasté qu’elle par ce qui leur arrivait.
   8   9   10   11   12   13   14