Page 208 - ANGOISSE
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morgue. Aussitôt l’odeur caractéristique vint s’insinuer dans ses narines et
machinalement il porta un mouchoir jusqu’à son nez afin de s’en protéger.
- Ne vous inquiétez pas, intervint l’employé, on se fait très vite à cette odeur.
C’est juste celle des produits qui sont utilisés. Enfin, en temps normal car avec
les centaines de macchabées qu’on a en ce moment un peu de partout dans
l’institut c’est aussi l’odeur de la putréfaction.
- Vous m’avez bien dit que vous êtes venu pour voir le ministre de la santé qui
a été assassiné ? reprit-il sans considération des sentiments éprouvés par son
interlocuteur à cet instant.
- Oui, c’est bien ça. Lâcha l’ex-ministre en serrant les dents.
L’homme tapota sur un clavier d’ordinateur avant de trouver la réponse
qu’il cherchait.
- On a pu le mettre dans un frigo tout seul, ce qui est loin d’être le cas de tout
le monde comme vous avez pu le constater en traversant tous ces couloirs. Si
vous pouviez faire quelque chose pour qu’on puisse les stocker au frais, on
apprécierait vraiment.
- J’en parlerai. Promis.
Les deux hommes parcoururent un long alignement de frigos en aluminium.
- Ah, c’est celui-là ! nota l’employé en commençant à ouvrir la porte.
L’ex-ministre le retint par le bras avec une fermeté inattendue.
- J’aimerais maintenant être seul. Je voudrais me recueillir quelques instants
auprès de mon ami.
- Pas de problème. Si vous avez besoin de moi je serai dans la pièce à côté.
- Merci beaucoup.
Une fois qu’il fût seul, il termina d’ouvrir la porte en tentant de vaincre sa
répulsion avant de voir apparaître sur le tiroir coulissant une housse en
plastique blanche portant l’identification du cadavre à l’intérieur. D’un geste
accompli sans force il fit sortir le compartiment et avant que toute volonté l’ait
abandonné il fit glisser la fermeture éclair de la housse afin de laisser
apparaître le visage de son ami. Contrairement à ce qu’il avait redouté, celui-
ci n’était pas figé dans un rictus affreux mais il semblait lui sourire. Tendrement
il posa la main sur son front sans se soucier de la froideur provoquée par cette
action. Puis il lui parla.
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