Page 205 - ANGOISSE
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- Je vous remercie de m’accorder cette confiance Monsieur le Président mais
je suis au regret de décliner votre offre.
- Mais enfin pourquoi ?
- Le pouvoir quel qu’il puisse être peut devenir un poison dangereux, même en
l’assimilant dans notre organisme à dose homéopathique. Vous avez l’exemple
flagrant de votre ministre de la défense qui était comme vous le savez un
homme que je n’aimais guère sur un plan humain mais que je respectais
néanmoins pour ce qui me paraissait, chez lui, une certaine forme de
pondération. D’autant plus nécessaire au poste qu’il occupait qu’on ne pouvait
y imaginer un va-t-en-guerre prompt à rechercher l’affrontement. Pourtant cet
homme mesuré, en souhaitant tirer profit du contexte de cette crise
exceptionnelle par son ampleur et sa portée, s’est transformé tout simplement
en une bête féroce, sans scrupule et sans humanité si l’on garde à l’esprit que
son programme était d’éliminer ni plus ni moins les cinq millions de membres
de la communauté musulmane dans notre pays. Au même titre qu’Adolf Hitler
souhaitait, en son temps, supprimer le peuple juif. Autre époque, je vous le
concède mais avec un but identique. Et des conséquences semblables si on
considère que cette barbarie était susceptible de dégénérer en conflits ouverts
avec d’autres nations voulant la faire cesser.
- J’ai une question à vous poser, indiqua le Président en le fixant intensément
dans les yeux.
- Je vous écoute, répondit-il sans ciller.
- Vous dites que le pouvoir est un poison dangereux et pourtant en me libérant
vous m’offrez les moyens de l’exercer de nouveau. Je ne comprends pas.
- La raison est toute simple même si elle risque de ne pas du tout vous plaire
et j’en suis désolé d’avance. Après trois jours au cours desquels la folie a régné
en maître sur tout notre territoire en libérant nos plus bas instincts tapis chez
chacun d’entre nous, le peuple et lui seul a repris les rênes de la civilisation. Il
a exprimé ce qu’il voulait être. Celui-ci aurait pu effectuer un autre choix mais
dans les deux cas, ce n’aurait été que l’expression du degré d’avancement de
notre société humaine. Je considère pour ma part qu’il a fait le choix de la
meilleure expression de lui-même. Dans une réaction salutaire. Vous allez
donc reprendre le pouvoir mais encadré par le peuple et c’est ce qui diffère
radicalement de la vision que pouvait avoir votre ministre de la défense.
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