Page 207 - ANGOISSE
P. 207
7
Paris, IML – 17 Juin – 02h36
Il faisait encore très chaud à cette heure matinale mais malgré tout chacun
pouvait se rendre compte que le pic de canicule était désormais passé. Et que
tout reviendrait à la « normale » très prochainement. L’air ne s’était pas
simplement embrasé au cours des derniers jours mais l’atmosphère tout
entière en ayant fait bouillir les sangs.
Celui qui n’était désormais plus ministre vit apparaître l’effrayant bâtiment
de l’IML, voie Mazas. Il lui avait toujours attribué ce qualificatif non en raison
de l’immeuble lui-même et de sa conception sous forme d’un énorme bloc
rectangulaire fait de briques rouges mais du fait de l’activité qui y régnait. Dans
ce lieu on découpait, lacérait, tranchait les corps, réduisant les chairs à de la
viande, à une matière inerte. Même si c’était pour la bonne cause, la pratique
des autopsies, il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était effectivement
effrayant. Il hésita à entrer immédiatement et prit le parti de descendre
jusqu’à la Seine, sur le quai de la Rapée surplombée par l’IML. Il avait besoin
de marcher un peu, de retrouver un peu d’apaisement après l’enchaînement
des événements vécus. Hors du commun et appelant à ses propres réflexions.
Etonnement, il se surprit à ne pas avoir sommeil malgré les quelques rares
heures de repos qu’il avait pu s’accorder depuis le début de la crise. Le restant
de ses jours serait désormais totalement bouleversé. Sa nature avait été
jusqu’à présent plutôt matérialiste mais en cet instant, il pressentait que son
futur serait désormais différent. Axé autour d’une quête pour comprendre ou
plutôt tenter de comprendre qui l’homme était-il vraiment. Tour à tour
capable du pire comme du meilleur. Apte à franchir à chaque instant la ligne
d’un côté ou de l’autre.
Il parcourut encore quelques mètres mais il ne pouvait plus différent le
« rendez-vous » qu’il avait avec son ami. Il gagna le porche de l’IML et se
présenta pour la dernière fois en qualité de ministre de l’intérieur en sachant
que l’on ne pouvait pénétrer dans le bâtiment sans autorisation et sans badge.
Un employé à l’accueil le fit conduire avec une certaine déférence jusqu’à la
7 IML : Institut médico-légal.
207