Page 73 - ANGOISSE
P. 73

avons des milliers d’excellentes raisons de laisser s’expulser notre peine, notre
        chagrin et notre peur aussi.
        -  Voulez-vous  que  j’aille  vous  chercher  un  café ?  Le  questionna-t-elle  en
        tentant de changer de sujet tant la plaie était encore béante dans son âme.
        - Ce serait une bonne idée mais j’aimerais plutôt, s’il vous plaît, que vous alliez
        jusqu’à l’infirmerie afin de me trouver une minerve. Au moins ça, je sais qu’il
        nous en reste.
           Elle allait quitter le bureau lorsqu’elle fit brusquement volte-face en sortant
        de sa poche plusieurs feuilles de papier.
        - J’allais oublier, suis-je vraiment idiote. Pendant que vous vous reposiez nous
        avons reçu un fax du Ministère de la Santé. Je me suis permise de le lire mais
        tenez lisez le vous-même.
           Elle tendit la liasse en tremblant au Directeur. Ce qui eut immédiatement
        pour effet d’inquiéter ce dernier. Il s’en empara malgré tout et se mit à lire en
        silence au fur et à mesure que son visage se décomposait.
        - Ce n’est pas franchement rassurant cette ricine Monsieur le Directeur et tout
        comme vous j’ai reçu un choc à la première lecture. Avec un peu plus de recul
        que vous puisque j’ai eu le temps d’y penser je me dis qu’il y a tout de même
        un élément positif dans tout cela. Vous-même avez dit hier en fin d’après-midi
        que  la  mortalité  s’était  réduite  considérablement.  Il  y  a  donc  de  fortes
        probabilités pour que ceux qui ont résisté jusqu’à présent parviennent à tenir
        jusqu’au cap des trois ou cinq jours et qu’au-delà ils soient parfaitement guéris.
        -  Votre  raisonnement  est  bon  Annie  et  je  vous  remercie  de  tenter  de
        m’apporter un peu de lumière dans toute cette ombre sauf que vous oubliez
        involontairement des points essentiels. Compte tenu du mode d’action de la
        ricine par ingestion il est extrêmement vraisemblable que toute la nourriture
        contaminée  n’ait  pas  encore  été  consommée  et  que  par  conséquent  nous
        risquons dans les heures qui suivront les prochains repas de voir de nouvelles
        vagues de patients affluer et, étant à saturation nous ne serons pas en capacité
        de les accueillir. Et j’ajoute bien que n’ayant aucune compétence en matière
        de terrorisme, qu’il serait surprenant que tous ces fous de Dieu, s’arrêtent en
        si « bon » chemin. Ils vont donc vraisemblablement continuer à contaminer les
        substances alimentaires qui ne le seraient pas encore.
           L’angoisse se dessina sur le visage de son assistante.

                                          73
   68   69   70   71   72   73   74   75   76   77   78