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Pigastel, Les Abattoirs Bretons -14 Juin – 09H32



           Le Président de la SAS des Abattoirs Bretons demeurait prostré, atterré. Ce
        qu’il venait d’entendre à la radio venait de finir d’achever le peu de moral qui
        lui restait encore. Dans le passé il avait déjà dû affronter un certain nombre de
        crises sanitaires mais cette fois-ci il avait la certitude que sa société ne pourrait
        pas s’en relever. Lui, le petit-fils du fondateur de cet abattoir porcin qu’il avait
        su si bien développer au point de lui conférer la seconde place sur le marché
        français à force de travail et de ténacité allait également être celui qui le verrait
        s’effondrer  de  son  piédestal.  Il  en  aurait,  s’il  ne  possédait  encore  toute  sa
        fierté, hurlé de rage, de frustration et de haine vis-à-vis de tous ces fanatiques
        barbus qu’il honnissait plus que tout.
           Par expérience, il savait qu’il ne lui faudrait pas compter sur ses banquiers.
        Aucun  ne  prendrait  le  risque  de  l’aider  dans  cette  passe  particulièrement
        dangereuse pour la survie de l’entreprise. Bien au contraire ceux-ci allaient
        sans doute vu l’amplitude que prenait la crise accélérer les procédures pour
        tenter de récupérer tout ou partie de leurs engagements tant qu’il était temps.
        C’est-à-dire se servir sur la bête alors que celle-ci n’était pas encore morte mais
        déjà à l’agonie. C’était d’une certaine manière inéluctable et le scénario joué
        d’avance.
           C’est alors que son jeune associé pénétra dans son bureau sans souci d’y
        avoir été invité.
        - As-tu entendu ce qu’ils viennent de dire à la radio ! Rugit-il aussitôt tout en
        trépignant des pieds, mû par une nervosité manifeste.
        - Je viens d’entendre tout comme toi. Et tout comme toi également je suis
        accablé par ce qui a été dit.
        - Accablé ? Dis plutôt que je suis ruiné, à la rue. J’ai investi tout ce que je
        possédais il y a deux dans ta boîte et à cette minute, virtuellement je n’ai plus
        rien.
        - On dirait Patrick que tu m’en fais le reproche ?
        - Je ne t’en fais pas le reproche puisque ce n’est pas ta faute, pas plus que la
        mienne mais celle de cette armée de bougnoules en djellaba !

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