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Pigastel, Pompes Funèbres Doucereaux -14 Juin – 09H41
S’il était vrai que le malheur des uns faisait souvent le bonheur des autres,
Clément DOUCEREAUX faisait indéniablement partie de ces derniers. A la tête
de l’une des principales entreprises de Pompes Funèbres de tout le
département, depuis plus de vingt-quatre il ne savait plus où donner de la tête
tant les demandes d’intervention de la part de familles en deuil ne cessaient
d’affluer à une vitesse réellement vertigineuse. Intérieurement il se félicita
d’avoir l’année précédente fait agrandir le hall d’accueil de son principal
magasin en centre-ville de Pigastel. Bien que celui-ci soit déjà insuffisant pour
accueillir la multitude de personnes qui attendaient à l’extérieur sous un soleil
de plomb. L’entreprise avait un effectif d’une vingtaine de salariés permanents
mais il rageait ce matin de ne pouvoir compter que sur une douzaine de
présents. Les autres ayant été hospitalisés avait-il fini par savoir en
téléphonant au domicile des absents afin de rameuter un maximum de
personnel. Une telle aubaine ne se produisait qu’une fois dans une vie et il
convenait de ne pas la laisser s’échapper. De ce fait il était à la fois heureux et
dépité de constater que son stock de cercueils serait bientôt réduit à néant.
Très vite il avait compris qu’il devait s’en procurer au plus vite et en
conséquence il avait appelé tous ses fournisseurs tôt dans la matinée pour
s’entendre dire que la production n’arrivait pas à suivre le rythme des
demandes, notamment du fait de l’absence de plusieurs ouvriers et qu’il serait
fait « au mieux » pour l’alimenter en coffres mortuaires. Bien qu’il ait
fermement rappelé à ses interlocuteurs que leur production devait lui être
livrée par priorité sur ses concurrents, compte tenu du chiffre d’affaires qu’il
réalisait habituellement avec eux, Clément DOUCEREAUX n’avait pas pu
obtenir d’engagement de leur part. « Nous allons faire au mieux » étant la
seule réponse qu’il parvenait à obtenir. Ce qui ne représentait pas à ses yeux
une réponse satisfaisante pour faire face à l’ensemble des commandes en
cours et celles nouvelles qui ne manqueraient pas de s’y adjoindre. Et ce
d’autant qu’il s’agissait de commandes particulièrement juteuses dans la
mesure où les familles, c’était à prendre ou à laisser, devaient immédiatement
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