Page 5 - L'Empreinte du temps
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Elle s’était contentée d’enfiler un jean, le premier qu’elle ait
trouvé à portée de main, et d’un gros pull de deux tailles
supplémentaires à la normale afin qu’on ne puisse pas distinguer ses
formes. Dans l’exercice de son métier elle ne voulait surtout pas être
considérée comme une femme mais avant tout et même surtout
comme un Lieutenant de Police au même titre que ses autres
collègues masculins. Clarice qui avait pourtant tant adoré sa longue
chevelure brune avait, pour les mêmes raisons, procédé à une coupe
en règle, tondeuse 5 mn, le jour même où elle avait appris qu’elle
était reçue au concours d’entrée dans la Grande Maison. Elle s’était
contentée de conserver quelques mèches qu’elle gardait
précieusement dans son portefeuille. Non par nostalgie mais comme
un souvenir. Le « souvenir » justement elle devait s’y rendre. Au 23
précisément. Et faire face une nouvelle fois à la folie humaine. Elle
abhorrait la violence sous toutes ses formes depuis sa plus tendre
enfance et avait pour cette raison choisie très jeune de devenir flic.
Une vocation ou plutôt un sacerdoce tant elle s’impliquait, avec une
exigence toute personnelle dans la réalisation de toutes les tâches
qu’exigeait son métier. Fussent-elles les plus horribles et les plus
macabres comme ce cadavre qu’elle allait bientôt découvrir.
L’expression du Brigadier « déchiquetée façon puzzle » n’augurait
rien de particulièrement agréable, à moins, espéra-t-elle, qu’il n’ait
volontairement décrit la victime de cet homicide de manière
beaucoup plus gore qu’elle ne l’était en réalité. Ce n’aurait pas été la
première fois et ce ne serait sans doute pas la dernière soupira-t-elle
en pensant que l’humour noir faisait encore légion à la judiciaire. Une
forme d’exorcisme de la mort des autres afin d’éviter de spéculer de
la façon dont la nôtre se produirait.
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