Page 6 - L'Empreinte du temps
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Clarice connaissait vaguement la rue du Souvenir et n’avait pas
eue besoin de se servir du GPS. Quant au numéro 23 il était inutile
d’avoir de doutes sur son emplacement tant un groupe de badauds,
malgré l’heure tardive, s’était formé à proximité du véhicule de
Secours. Une trentaine de personnes environ jugea-t-elle au premier
coup d’œil. Des individus, femmes, hommes et même quelques
enfants tout au plus âgés d’une dizaine d’années. Leurs visages
passaient de l’ombre à la lumière bleutée du gyrophare et Clarice se
demanda ce qui pouvait bien le plus les attirer. La curiosité morbide
ou le goût du sang.
Mais il n’était pas temps de philosopher. Ce serait bientôt à elle
d’entrer en scène pour y jouer son rôle et déclamer ses répliques.
Dans un jeu théâtral qui donnerait l’illusion de la Justice. Elle tenta de
se composer une contenance et fendit l’attroupement avec une
certaine autorité. Le 23 faisait partie d’un groupe de maisons
manifestement déjà anciennes, jumelées les unes aux autres avec un
petit jardinet devant enceint avec la même clôture métallique d’un
gris sale et triste. Le genre de maison où l’on ne pouvait retrouver
qu’une personne âgée tant les lieux ne respiraient déjà plus la vie, le
mouvement, la couleur. C’est du moins la première impression qui lui
traversa l’esprit. Pour accéder au hall d’entrée il fallait franchir les
quatre marches en pierre d’un perron. C’est alors qu’elle vit Laurent,
son collègue de l’identité judiciaire, descendant comme à son
habitude les marches des escaliers deux par deux. Toujours aussi
pressé pensa-t-elle. Sauf à qu’à ce petit jeu ce serait nécessairement
la dégringolade assurée un jour ou l’autre. On ne pouvait pas titiller
impunément les lois de la pesanteur sans terminer un jour ou l’autre
sans plaies ni bosses.
- Alors, on a quoi ? lui lança -t-elle avec un regard amusé en
l’imaginant déjà avec des béquilles et un magnifique plâtre rempli de
signatures.
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