Page 8 - L'Empreinte du temps
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Il se réveilla en sursaut et faillit pousser un cri qui s’étouffa
pourtant dans sa gorge contre sa volonté. Totalement désorienté et
hagard il ne reconnut pas immédiatement sa chambre. Un désordre
indescriptible y régnait comme si quelqu’un y avait effectué une
fouille méthodique. Sa petite bibliothèque suspendue au mur en
avait été littéralement arrachée et les livres s’étalaient mollement sur
le sol. Il voulut se lever d’un bond de son lit mais il retomba aussitôt
comme si une main puissante et déterminée le plaquait sur son
visage en provoquant des douleurs atroces. Telles des brûlures, oui
c’était ça, des brûlures tant un feu intérieur semblait se consumer en
lui. Instinctivement il chercha à porter ses mains sur son visage dans
une vaine tentative pour le soulager. C’est alors qu’il le vit. Dans sa
robe magenta parsemé de petits morceaux de chair, le sang maculait
chaque parcelle de ses mains jusqu’aux avant-bras. Il faillit tourner de
l’œil à cette vue dantesque, terrifiante et grandiose à la fois tant elle
semblait provenir du fond des âges. Sa propre volonté fut toutefois
la plus forte dans l’expression de connaître la raison de ce qui lui était
arrivé. Sa mémoire n’en gardait pour l’instant aucune trace, fut-elle
la plus infime mais il devait savoir. Oui savoir. Hormis des maux de
tête épouvantables lui enserrant le cerveau comme dans un étau, il
n’éprouvait aucune autre douleur palpable et en arriva à la
conclusion logique que ce sang n’était pas le sien. Sa première
impression fut d’en ressentir un immense soulagement. Il n’était pas
blessé et c’était bien là finalement le plus important à ses yeux. Un
instant il se prêta à rire en se disant que l’un de ses collègues, et il y
en avait quelques-uns de facétieux parmi eux, lui avait fait une bonne
blague. D’accord, une blague un peu gore mais une bonne blague
tout de même. Et l’origine de toute cette hémoglobine n’était alors
pas bien difficile à imaginer. Travaillant dans un abattoir de volailles,
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