Page 13 - L'Empreinte du temps
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Pourquoi attendre d’être dans cette pièce ? surligna-t-elle avec
nervosité.
D’innombrables questions traversaient son esprit et à cet instant
elle était dans une bulle hermétique, uniquement connectée à ses
perceptions, son ressenti. Ce que tous les flics du monde appellent
l’intuition. Elle se trouvait toujours sur le seuil de la salle à manger
perdue dans ses réflexions. Une manière également de retarder,
consciemment ou non, le moment où il lui faudrait entrer et
découvrir l’inconcevable animalité de l’être humain, ancrée au plus
profond de ses racines. Inscrite en lettres de sang dans ses gênes.
Elle percevait derrière elle aussi sûrement que si elle avait eu des
yeux dans son dos le regard du jeune gardien de la Paix. Elle se décida
à entrer d’un pas lent et découvrit la pièce semblant être teintée d’un
rouge oppressant. Clarice jusqu’à présent s’était rendue à quelques
reprises sur des scènes de crime mais toujours en plein jour et
accompagnée d’un autre collègue de la brigade. L’impression était
bien différente cette nuit comme si elle devait affronter sans l’aide
de quiconque tout à la fois le démon qui avait commis ici les pires
outrages et ses propres démons. Bien qu’elle ne l’ait pas recherché
volontairement son regard se porta presque mécaniquement sur le
cadavre qui gisait sur le sol à proximité d’une grande commode. En
l’observant, durant un instant elle éprouva une véritable répulsion
qui la fit régurgiter avant de finir par reprendre possession de ses
moyens.
- Bon sang ma fille, se morigéna-t-elle, il faut te reprendre et fissa !
Tu n’es pas là pour jouer à te faire peur mais pour faire ton boulot.
Elle embrassa d’un regard la salle à manger. Du mobilier classique,
moderne sans doute dans les années soixante-dix. D’une qualité ne
permettant de transmettre tout juste en héritage que des planches
en aggloméré vermoulues et outragées par le temps. En tout cas, au
premier abord, cette femme ne devait pas rouler sur l’or pensa-t-elle
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