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La Chaloupe - décembre 2017
           font assez ouvertement chez les personnes qui logent   -ils  pas  dû  être  entourés  pour  qu’ils  ne  tombent  pas
                                                                aux  mains  des  ennemis  qui  avaient  juré  leur  perte  !
           les prêtres ».
                                                                Les paroissiens de Riantec peuvent être fiers de leurs
              Le  22  juin  1799,  la  Sûreté  donne  ses  ordres  au
                                                                prêtres d’alors et aussi de leurs pères qui ont veillé sur
           commissaire de Port-Liberté :
                                                                eux nuit et jour.
              « Tâchez de saisir ces deux coquins de prêtres »
                                                                   En signant le nouveau Concordat,en 1800, le pape
           Mais  c’est  en  vain…  jusqu’au  bout  les          Pie VII reconnaît la République et renonce aux biens
           prêtres  de  Riantec  demeureront  insaisis-         enlevés au clergé sous la Révolution. De son côté, «le
           sables ...                                           Gouvernement  de  la  République  française  reconnaît
                                                                que la religion catholique, apostolique et romaine est
              Il a souffert, Julien, de vivre dans la clandestinité   la religion de la plus grande majorité des Français».
           mais il savait qu’il pouvait à tout moment compter sur
           ses fidèles paroissiens. Dans deux sermons en breton,   Julien prêta serment au Préfet du Morbihan et re-
           retrouvés par l’Abbé Le Bras mais qui n’ont hélas pas   trouva alors son poste à Riantec le 25 octobre 1802.
           été conservés, Julien évoquait le temps de la Révolu-
                                                                   Julien mourra le 28 janvier 1817 à l’âge de 65 ans.
           tion.  L’un  deux,  prononcé  à
           Plouhinec  à  l’occasion  de  la
           plantation  de  la  Croix  de  Mis-
           sion en 1815, rappelle les excès
           des révolutionnaires et leur haine
           pour les gens d’église :
           Guerre  à  la  croix  partout,
           dans  les  églises,  dans  les  ci-
           metières,  le  long  des  routes
           fréquentées,  partout  où  ils
           pouvaient la trouver !
              L’autre  sermon,  donné  à
           Gâvres,  le  dimanche  10  mars
           1809, est marqué d’une note plus
           personnelle  et  combien  émou-
                                                        Acte de décès de Julien Le Formal - ADM décès 1817, acte n°6 p.4
           vante :
            «Quoi  !  les  prêtres  seraient  cause  de  vos  mal-  « Acte de décès du 29 janvier 1817 à 10 heures du
            heurs  ?  Ont-ils  donc  manqué  de  prendre  soin  de   matin, acte de décès de Julien Le Formal, recteur
            vous, que vous fussiez malade ou en bonne santé ?   de cette commune, décédé hier environ 3 heures du
            N’êtes-vous pas,  vous  mêmes  les  premiers parois-  matin en ce bourg, âgé de 65 ans, natif de la com-
            siens  à  qui  j’ai  rendu  visite  et  que  j’ai  confessés,   mune de Pluvigner, fils d’Yves Le Formal et de Jac-
            ici, sur place, au début de la Révolution en m’expo-  quette  Le  Donnerh,  l’un  et  l’autre  décédé.  Sur  la
            sant  aux  pires  dangers,  que  j’ai  encore  confessés   déclaration à nous faite par Marc Jégo, vicaire, âgé
            par ailleurs à chaque fois qu’il était possible de le   de 32 ans, domicilié en ce bourg, et les témoins cy-
                                                                après  Etienne  Lhermitte,  prêtre,  âgé  de  29  ans  et
            faire ?
                                                                Laurent  Le  Floch,  laboureur,  âgé  de  48  ans,  de-
            Jour et nuit, j’ai risqué ma vie parmi les soldats et   meurant tous en ce bourg, et ont tous déclaré signer
            tous ceux qui m’en voulaient à mort pour venir ad-
                                                                avec  nous  le  présent  acte.  Constaté  suivant  la  loi
            ministrer vos malades. Combien de fois n’ai-je pas   par  nous  Pierre  Rio,  adjoint  à  la  mairie,  faisant
            été  porté  sur  les  épaules  de  certains  d’entre  vous   fonction d’officier public par délégation spéciale du
            pour traverser la mer au cours des voyages que j’ai   Maire en datte du 10 février de l’an dernier, soussi-
            faits  à  cette  époque  pour  me  rendre  auprès  de   gné après lecture du présent acte. »
            vous ? Vous ne sauriez dire que vous avez été aban-
            donnés durant la Révolution !»

                                                                Voilà l’histoire de Julien LE FORMAL.
              Cette page, frémissante d’émotion, jette un peu de   Il aura non seulement marqué son époque mais aus-
           lumière sur la vie des prêtres proscrits et les dangers   si l’esprit de certains hommes férus d’histoire locale.
           de  leur  ministère  :  leurs  déguisements  variés  pour   Ce fut le cas notamment de, Henri-François Buffet
           échapper  aux  soldats,  leurs  déplacements  fréquents   historien et archiviste, né à Lorient en 1907 et décédé
           pour dépister les espions, les cheminements nocturnes   au Port-Louis en 1973, qui a écrit des articles intéres-
           pour atteindre les âmes qui avaient besoin du prêtre,
                                                                sants sur « Riantec au cours des âges ».
           ces  traversées  de  la  petite  mer  de  Gâvres  à  dos
                                                                Une autre personne lui a succédé : l’Abbé J. Danigo
           d’hommes.
                                                                de Locmiquélic, professeur au Petit Séminaire de
              Quel courage n’a t’il fallu à ces prêtres pour tenir   Sainte-Anne d’Auray qui a écrit une thèse sur « Le
           ainsi pendant 8 ans. De combien de dévouement n’ont



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