Page 15 - chaloupe124_Neat
P. 15
La Chaloupe - décembre 2017
font assez ouvertement chez les personnes qui logent -ils pas dû être entourés pour qu’ils ne tombent pas
aux mains des ennemis qui avaient juré leur perte !
les prêtres ».
Les paroissiens de Riantec peuvent être fiers de leurs
Le 22 juin 1799, la Sûreté donne ses ordres au
prêtres d’alors et aussi de leurs pères qui ont veillé sur
commissaire de Port-Liberté :
eux nuit et jour.
« Tâchez de saisir ces deux coquins de prêtres »
En signant le nouveau Concordat,en 1800, le pape
Mais c’est en vain… jusqu’au bout les Pie VII reconnaît la République et renonce aux biens
prêtres de Riantec demeureront insaisis- enlevés au clergé sous la Révolution. De son côté, «le
sables ... Gouvernement de la République française reconnaît
que la religion catholique, apostolique et romaine est
Il a souffert, Julien, de vivre dans la clandestinité la religion de la plus grande majorité des Français».
mais il savait qu’il pouvait à tout moment compter sur
ses fidèles paroissiens. Dans deux sermons en breton, Julien prêta serment au Préfet du Morbihan et re-
retrouvés par l’Abbé Le Bras mais qui n’ont hélas pas trouva alors son poste à Riantec le 25 octobre 1802.
été conservés, Julien évoquait le temps de la Révolu-
Julien mourra le 28 janvier 1817 à l’âge de 65 ans.
tion. L’un deux, prononcé à
Plouhinec à l’occasion de la
plantation de la Croix de Mis-
sion en 1815, rappelle les excès
des révolutionnaires et leur haine
pour les gens d’église :
Guerre à la croix partout,
dans les églises, dans les ci-
metières, le long des routes
fréquentées, partout où ils
pouvaient la trouver !
L’autre sermon, donné à
Gâvres, le dimanche 10 mars
1809, est marqué d’une note plus
personnelle et combien émou-
Acte de décès de Julien Le Formal - ADM décès 1817, acte n°6 p.4
vante :
«Quoi ! les prêtres seraient cause de vos mal- « Acte de décès du 29 janvier 1817 à 10 heures du
heurs ? Ont-ils donc manqué de prendre soin de matin, acte de décès de Julien Le Formal, recteur
vous, que vous fussiez malade ou en bonne santé ? de cette commune, décédé hier environ 3 heures du
N’êtes-vous pas, vous mêmes les premiers parois- matin en ce bourg, âgé de 65 ans, natif de la com-
siens à qui j’ai rendu visite et que j’ai confessés, mune de Pluvigner, fils d’Yves Le Formal et de Jac-
ici, sur place, au début de la Révolution en m’expo- quette Le Donnerh, l’un et l’autre décédé. Sur la
sant aux pires dangers, que j’ai encore confessés déclaration à nous faite par Marc Jégo, vicaire, âgé
par ailleurs à chaque fois qu’il était possible de le de 32 ans, domicilié en ce bourg, et les témoins cy-
après Etienne Lhermitte, prêtre, âgé de 29 ans et
faire ?
Laurent Le Floch, laboureur, âgé de 48 ans, de-
Jour et nuit, j’ai risqué ma vie parmi les soldats et meurant tous en ce bourg, et ont tous déclaré signer
tous ceux qui m’en voulaient à mort pour venir ad-
avec nous le présent acte. Constaté suivant la loi
ministrer vos malades. Combien de fois n’ai-je pas par nous Pierre Rio, adjoint à la mairie, faisant
été porté sur les épaules de certains d’entre vous fonction d’officier public par délégation spéciale du
pour traverser la mer au cours des voyages que j’ai Maire en datte du 10 février de l’an dernier, soussi-
faits à cette époque pour me rendre auprès de gné après lecture du présent acte. »
vous ? Vous ne sauriez dire que vous avez été aban-
donnés durant la Révolution !»
Voilà l’histoire de Julien LE FORMAL.
Cette page, frémissante d’émotion, jette un peu de Il aura non seulement marqué son époque mais aus-
lumière sur la vie des prêtres proscrits et les dangers si l’esprit de certains hommes férus d’histoire locale.
de leur ministère : leurs déguisements variés pour Ce fut le cas notamment de, Henri-François Buffet
échapper aux soldats, leurs déplacements fréquents historien et archiviste, né à Lorient en 1907 et décédé
pour dépister les espions, les cheminements nocturnes au Port-Louis en 1973, qui a écrit des articles intéres-
pour atteindre les âmes qui avaient besoin du prêtre,
sants sur « Riantec au cours des âges ».
ces traversées de la petite mer de Gâvres à dos
Une autre personne lui a succédé : l’Abbé J. Danigo
d’hommes.
de Locmiquélic, professeur au Petit Séminaire de
Quel courage n’a t’il fallu à ces prêtres pour tenir Sainte-Anne d’Auray qui a écrit une thèse sur « Le
ainsi pendant 8 ans. De combien de dévouement n’ont
13