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La Chaloupe - décembre 2017
              Exemple  de  paysan  pauvre  :  Jean  GUIMARH  :   fois instruments et bêtes de labour et qui n'ont, pour ce
           celui-ci, originaire de CARNAC, s'installe, après son   faire, rien à emprunter aux voisins même si les terres
           mariage en 1723 avec Lorette Le RIBLER de PENER-     ne leur appartiennent pas, du moins en totalité...Sans
           BLOUE, à St. GUENHAEL et y vit plus que modeste-     doute sont-ils à peine 20 %? mais il y a, parmi eux,
           ment puisqu'à sa mort, quatre ans plus tard, en 1727 (à   des exploitants aisés, tout au moins tant que les pro-
           35 ans), l'inventaire - après scellés - ne fait apparaître   blèmes de succession ne viennent pas plus ou moins
           qu'une seule chambre à feu (servant à la fois de cuisine   briser l'exploitation.
           et de chambre meublée d'un seul charlit de bois, d'une   -  À  PENERBLOUE,  par  exemple,  la  famille  Le
           table, d'un coffre, d'une couette de balle, d'un seul lin-  RIBLER entre 1650 et 1700. Yves Le RIBLER, marié
           ceul  (ou  drap).  Le  second  avait  dû  être  utilisé  pour
           l'inhumation),  et  d'une  «  berne  »  de  toile  servant  de   à  Marie  Le  CORVEC  de  KERGONAN  vers  1652,
                                                                exploite  une  demi-tenue  à  domaine  congéable  sous
           couverture...avec, à l'étable, une vache, et, à côté deux
                                                                Monsieur de COUETBY et un convenant sous Jacques
           ruches de paille .
                                                                LE  PORT.  il  y  cultive  seigle,  froment,  mil,  avoine,
              (N.B.:  Le  «  charlit  »  était,  au  départ,  un  simple   orge, oignons, pois, lin. Il possède une charrue, 2 char-
           cadre  de  bois  supportant  la  paillasse,  par  opposition   rettes, 2 juments, 7 bovins, évidemment un cochon et
           aux paillasses  posées  à  même le  sol.  Manifestement,   quelques  volailles.  L'un  de  ses  fils  créera  sa  propre
                                                                exploitation sur une terre à domaine congéable après
           pas de lit-clos pour les plus pauvres).
                                                                avoir emprunté 600 livres aux Ursulines d'AURAY, et
              Lorsque Lorette meurt à son tour, la même année,   il  aura  un  petit-fils  qui  poursuivra  ses  études  à
           laissant doublement orpheline la jeune Marie-Agathe,   VANNES pour devenir prêtre. Mais, après sa mort, à
           âgée d'un peu plus de 3 ans, le tuteur désigné par la   80 ans, en 1708, l'affaire commencera à péricliter entre
           Sénéchaussée,  Jean  BOUILLY  de  KERHELLEGAN        les mains de ses gendres : son petit-fils, prêtre, Mes-
           devra demander aux 12 parents les plus proches de se   sire Pierre Le RIBLER, sera retrouvé noyé à la « coste
           cotiser pour assurer un minimum à la jeune fille jus-  de QUIBERON » en janvier 1722 à moins de 31 ans),
           qu'à sa majorité (en tout environ 600 litres de seigle   et  le  dernier  fils  survivant  qui  décédera  à  75  ans  le
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           par an, soit 4 « perrées  » et demi).... Et cette famille   28/06/1738 aura dû, pour survivre, louer une paire de
           n'aura vraiment pas de chance car la petite Agathe qui
                                                                bœufs pour labourer le peu de terre qui lui reste .
           naîtra  en  1760  de  l'union  de  Marie-Agathe  avec  un
           tailleur  de  PLOEMEL,  Joseph  Le  CLOEREC,  leur      - À  KERHELLEGAN, les Le QUELLEC possè-
           donnera 25 ans plus tard une petite Marie-Anne, née   dent en propre (directement en « proche fief du Roi »)
           de père inconnu, qui sera baptisée mais qui, bâtarde et   les forêts et édifices d'une tenue au village, plus, tou-
           donc mal vue, les obligera à quitter le bourg de Plou-  jours  à  KERHELLEGAN,  deux  autres  tenues  à  do-
           harnel pour aller s'installer à Saint-Julien en QUIBE-  maine  congéable  sous  le  sieur Messire DANlGO,  et,
           RON (à signaler que lors du baptême, le 13/09/1785,   pour la plus petite, sous les sieurs De CASTELGAL
           le  père,  comme  tant  d'autres  à  l'époque,  et  souvent   d'HENNEBONT, ce qui leur fait en tout 35 parcelles
           jusque dans les années 1850, déclarera ne pas savoir   dont 15 de terres labourables . Aussi, tout au moins, de
                                                                1650  à  1702,la  famille  vit-elle  plutôt  bien  :  le  père,
           signer),
                                                                Gilles,  en  1692,  peut  acquérir  quelques  édifices  à
              Il y a parfois des situations si compliquées que l'on
           se dit que l'exploitant ne devait pas avoir une situa-  RONDOSSEC, prêter de l'argent et prévoir des fonda-
                                                                tions par testament . L'un de ses petits-fils pourra faire
           tion bien brillante. c'est le cas de Mathurin DRIAN.   des études et devenir prêtre. Mais il meurt, à 69 ans,1e
                          e
           Au début du 18 siècle, vers 1705, celui-ci sous-loue   28/12/1702,  et,  dès  1775,  il  faut  partager  entre  les  5
           à Barthélémy Le BIDEAU de RUNESTO une tenue          enfants issus de 2 mariages, et la situation commence
           que  celui-ci  venait  d'acquérir  (avec  quelques
           «  édifices  »)  grâce  à  un  héritage  de  sa  femme  à   à devenir plus délicate.
                                                                   -  À  RUNESTO, c'est aussi le cas pour la famille
           KERHELLEGAN.  Mais  cette  tenue  est  à  domaine    Le BIDEAU (BIDAU) entre 1650 et 1720. Gilles, le
           congéable sous les demoiselles GLAIN et LORILLON
           (Maître GLAIN étant notaire royal à AURAY) et Ma-    père  (1531-1668),  puis  son  fils  Barthélémy  (1665-
                                                                1716)  et  son  petit-fils  Hiérosme  (né  en  juin  1686)
           thurin devra, non seulement une petite rente annuelle de   possèdent une exploitation à domaine congéable sous
           seigle  et  de  froment  à  Barthélémy  Le  BIDEAU,  mais   plusieurs  petits  nobles  dont  les  sieurs  KERGRO-
           également la rente « convenancière » (du domaine con-  GUEN, Le METAYER et KERNEUR de PORTIVY.
           géable) aux propriétaires fonciers, soit 2/3 de 4 perrées   La femme de Gilles lui apporte quelques héritages à
           de seîgle (environ 350 litres), 1 perrée de froment et 9   KEREVEN (ETEL), puis celle de Barthélémy, Marie
           livres en argent, sans oublier de s'acquitter des fouages   Le  QUELLEC  de  KERHELLEGAN,  une  certaine
           et  autres  charges…  Que  lui  restera-t-il  finalement  ?   somme  perçue  lors  du  décès  de  son  père  en  1702,
           Sans doute,  fort peu.. Il  n'en  resignera pas  moins un   somme qui est réinvestie dans l'acquisition d'édifices à
           nouveau  bail  de  6  ans  en  1709,  mais  décédera  le
                                                                KERLEVENAN  (domaine  congéable  sous  Charles
           19/02/1711.
                                                                GLAIN).  À  l'époque,  vers  1704,  la  famille  possède
                                                                encore des terres d'héritages au HENLIS (fief du roi),
                                                                à KERBASQUIC (domaine congéable) et à CARNAC
              4) Les laboureurs
              Les  vrais  laboureurs  -  enregistrés  comme  tels  sur   (sous fief de LARGOUET). Ces terres sont louées et
           les registre paroissiaux - sont ceux qui possèdent à la   rapportent  seigle  et  froment.  Mais  Barthélémy  gère
                                                                mal, fait des dettes, doit vendre l'exploitation à son fils
                                                                Hiérosme le 14/06/1716 pour 1308 livres, après avoir
           1 - Mesure de capacité pour le grain (deux cents livres ou quatre
                                                                déjà  vendu  quelques  autres  biens  (notamment  à  Phi-
           boisseaux), particulièrement usitée en Bretagne.

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