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La Chaloupe - décembre 2017
           marchands  et  les  paysans  aisés,  ne  possédaient  rien   TOUILLIC  puisque,  lors  de  son  mariage  en  1731,
           non plus, mais avaient l'avantage de disposer du gîte et   Guillaume-François  BOUTOUILLIC  se  dit  seigneur
           du couvert en toutes saisons tout en sachant que le gîte   de KERGONAN et de La PORTE.... Quant à la métai-
           d'un  domestique  était  souvent  l'étable  (sous  le  pré-  rie  de  BRENANTEC  (BRAUHUENTEC)  ayant  ap-
           texte,  plus  ou  moins  fallacieux,  d'assurer  la  surveil-  partenu aux PERO, et dont l'on connaît un métayer en
           lance des animaux). La servante, elle, étant cantonnée   l427, J. Le COEFFEC, qu'est-elle devenue ? Est-ce la
           dans  un  coin  de  la  pièce  à  feu  (tout  en  étant  parfois   métairie de La Salle citée en 1536, ou a-t-elle été fina-
                                                                lement  laissée  à  un  fermier  en  domaine  congéable  ?
           retenue comme marraine du nouveau-né).
                                                                (De toute façon, elle semble être restée dans le giron

                                                                                                    e
                                                                de la famille PERO jusqu'au milieu du 17  siècle.)
              - Les  MÉTAYERS, eux non plus, ne possédaient
           officiellement  rien.  Ils  étaient  cependant  manifeste-  2) LE DOMAINE CONGÉABLE est une parti-
           ment plus aisés tout en n'étant jamais assurés de pou-  cularité bretonne :
           voir se maintenir en place à l'issue de leur bail de 3, 6,    La plupart des paysans sont de simples édificiers,
           ou exceptionnellement 9 ans. En principe, gîte, instru-  c'est-à-dire  exploitant  sous  le  régime  du  CONVE-
           ments de labour, semences et bétail appartenaient au   NANT,  appelé  plus  couramment  DOMAINE  CON-
           propriétaire qui recevait, en contrepartie, la moitié des   GÉABLE  :  la  terre  appartient  aux  propriétaires  fon-
           récoltes plus, souvent, une rente (encore que dans cer-
                                                                ciers  (petits  seigneurs,  sieurs,  bourgeois,  ecclésias-
           taines métairies, semble-t-il, le métayer fournissait une   tiques, et parfois paysans aisés) qui s'étaient libérés de
           partie du cheptel et des semences, ce qui lui permettait   toute  tutelle  royale  (le  roy  étant  considéré  au  départ
           de moins devoir au propriétaire). Seules sont vraiment   comme le seul propriétaire foncier du royaume), soit
           connues, par le biais des registres paroissiaux, les mé-  par le versement d'un « cens » annuel, soit - dans le
           tairies nobles dont les tenanciers étaient cités comme
                                                                cas de l'Église - par le versement de « dons gratuits ».
           tels, car jouissant de certains avantages, et notamment
           d'exemption d'impôts à l'instar de leurs « seigneurs » :   Et l'exploitant, le paysan, n'est propriétaire que des
           ce sont les métairies de KERLOGUEN, de KERGO-        «  édifices  et  superficies  »,  d'où  son  nom
           NAN et de LA PORTE : celle de KERLOGUEN avait        d'« édificier ». Il possède ainsi la « maison » (logis et
                                                                étable),  les  annexes  éventuelles  (appentis,  grange,
                                                                karrdi*),  les  talus  et  toutes  les  productions  agricoles
                                                                (céréales, légumes, arbres fruitiers), mais pas les meil-
                                                                leurs arbres (chênes, hêtres, châtaigniers) que le pro-
                                                                priétaire se réserve pour ses constructions ou la réali-
                                                                sation  de  ses  meubles.  Et,  chaque  année  -  soit  à  la
                                                                Saint-Michel,  soit  en  2  fois,  au  printemps  et  à  l'au-
                                                                tomne  -  et,  surtout  à  chaque  renouvellement  de  bail,
                                                                l'édificier (le convenancier) doit verser au propriétaire,
                                                                outre une petite redevance en argent, une rente consis-
                                                                tant le plus souvent à un pourcentage des récoltes ou
                                                                du  troupeau,  plus  quelques  corvées,  comme,  par
                                                                exemple, le « battage » de la moisson du propriétaire .
                                                                   Et,  si  le  bail  ou  convenant  est  appelé  congéable,
                                                                c'est qu'à tout moment, et notamment lors de son re-
                                                                nouvellement (soit généralement tous les 6 ou 9 ans)
                                                                le  propriétaire  foncier  peut  congédier  l'exploitant,  en
                                                                lui remboursant des « édifices » après « prisage » offi-
                                                                ciel  de  ceux-ci.  D'où  la  situation  officiellement  pré-
                 Olivier Perrin - Le départ des valets
                                                        e
           appartenu  aux  sieurs  de  KERMADIO  aux  15 /16 e   caire du convenancier, tout au moins en principe, car
                                                                l'on  voit  souvent  les  mêmes  familles  demeurer  de
                                               e
           siècles,  appartenait  aux  CADIO  au  17   et  voyait  se
                                                                longues années sur les mêmes terres.
           succéder, comme métayers, entre autres, Roland GUI-
           MAR  en  1638,  Pierre  QUERMORVAN  en  1639,           3) Petits paysans, paysans pauvres :
           Pierre Le RIBLER qui y décède en 1652 et Grégoire       La masse paysanne était relativement pauvre, et, le
           BELLEGO  en  1659....  A  KERGONAN,  coexistaient    plus souvent très pauvre, à telle enseigne que leur sort
           la  Petite  et  la  Grande  Métairie  (la  seule,  semble-t-il   ne  devait  pas  être  très  différent  de  celui  de  certains
           dite noble). Elles avaient appartenu aux PERENNES
                               e                                journaliers.  tout  juste  étaient-ils,  sans  doute,  proprié-
           depuis au moins le 16  siècle, sont ensuite passées aux   taires d'un petit potager et louaient-ils quelques lopins
           CADIO  à  partir  des  années  1680,  puis  aux  BOU-  de terre à un voisin plus aisé à qui ils fournissaient en
           TOUILLIC aux alentours de 1730, et ont vu se succé-  cas de besoin une main-d’œuvre bon marché rémuné-
                                                     e
           der, comme métayers, des Le CORVEC au 17  siècle,    rée en nature par quelques mottes de beurre, un peu de
           puis,  entre  autres,  des  BELZ  et  des  BELLEGO.  La   lard,  quelques  œufs…  À  la  morte  saison,  ils  se  fai-
           Métairie  de  La  PORTE  était,  elle,  située  au  bourg,   saient  fileurs  de  chanvre,  goémoniers,  maçons,  pê-
           sans précision de localisation et l'on n'y voit cité qu'un
           seul  métayer  Mathieu  Le  BAYON  en  1637  (au  mo-  cheurs à pied, etc.
           ment où elle appartenait aux PERO) Dans les années
           1700/1720,  elle  appartient  manifestement  aux  BOU-
                                                                 *Karrdi : Garage en breton


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