Page 158 - le barrage de la gileppe
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Fournir de l’eau en abondance aux grands centres de population a toujours été
considéré par tous les peuples civilisés et notamment par le peuple Romain, comme un
acte de bonne et de sage administration. En agissant ainsi, les hommes placés à la tête
des Etats ne croyaient pas seulement accomplir un acte d’humanité, mais aussi
augmenter la fortune publique, car les maladies, chacun le sait sont la ruine des familles.
Les affections contagieuses et épidémiques se développant particulièrement au sein des
villes, l’on peut dire d’une manière certaine que l'intelligence d’une nation est en raison de
l’activité qu'elle déploie pour assurer la salubrité de ses grands centres de population.
La salubrité, cette chose si éminemment désirable, ne peut être obtenue qu’à la condition
de fournir à la population de l’air pur et de l’eau potable en abondance.
Pour donner de l’air, il faut refondre les cités élevées par nos ancêtres dans l’ignorance
des principes de l’hygiène.
Cette régénération salutaire impose des dépenses considérables et ne peut
généralement s’effectuer qu’avec le secours des siècles.
Pour avoir voulu faire en quelques années ce qui aurait dû être l’œuvre de plusieurs
générations, il est arrivé que des villes, des capitales ont gravement compromis l’état de
leurs finances.
Il est moins onéreux, plus facile et surtout plus rationnel de commencer l’assainissement
d’une ville par lui donner de l’eau. Avec de l’eau en abondance on peut écarter les
nombreuses causes qui tendent sans cesse à vicier l’air; il suffit, après avoir enlevé de la
voie publique tout ce qui tend à imprégner le sol de matières organiques et constituer une
cause prochaine d’insalubrité, de laver les rues à grande eau.
Pour en agir ainsi, il faut en avoir beaucoup, parce que les lavages et les arrosages
effectués avec parcimonie sont plus nuisibles qu’utiles; ils ne suffisent pas pour entraîner
à égout les matières fermentescibles que le balai ne sait pas enlever, mais ils fournissent
assez d’humidité pour hâter la décomposition de ces substances; et dans ces conditions,
mieux vaut mille fois ne pas arroser du tout que d’arroser trop peu, l’inconvénient de la
poussière n’étant pas comparable à celui de la mise en liberté des gaz méphitiques qui
résultent de la décomposition des matières organiques.
Après avoir lavé les rues, il faut encore de l’eau pour les halles, pour les marchés de
toute espèce, pour les abattoirs, les fontaines publiques, les maisons, et les lieux
d’aisance ; enfin. il faut surtout que la quantité lancée à l’égout soit assez considérable
pour que les résidus de chaque habitation soient emportés au loin avant qu’ils se
putréfient.
Si l’on n’a pas d’eau, ou seulement si n’en ayant pas assez, on la vend trop cher pour
que chacun puisse satisfaire largement à tous ses besoins, à quoi sert d’avoir de larges
rues, des maisons somptueuses, des marchés splendides, un réseau d’égouts pariait
combiné de la façon la plus ingénieuse?.
A rien ! L’air des plus belles rues, des halles les plus luxueuses, des maisons les
mieux construites comme aussi celui des égouts les plus parfaits est empesté, la ville
est insalubre, et les maladies épidémiques éclatent à chaque renouvellement de saison.
Frappé de ces justes considérations et comprenant qu'une large distribution d’eau
constitue la première, la plus sûre et la plus indispensable garantie de la santé publique,
le Conseil provincial du Brabant fit appel à toutes les personnes qui croiraient pouvoir
indiquer le moyen de fournir à l’agglomération bruxelloise 75,000 mètres d’eau par jour,
soit 150 litres par personne, dans l’hypothèse d’une population de 500.000 âmes. Vingt
et un projets lui furent présentés le premier janvier 1872