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   LA  MAIN  CACHEE  ·   La crise  envahie,  l’Amérique, liée  par un  traité, aurait de  nombreuses     LA  MAIN  CACHEE  s’il avait réussi à le convaincre. Lui et beaucoup d’autres
                raisons de défendre cette ville. Risquait alors de s’ensuivre une
                guerre, probablement nucléaire.
                                                                                                         s’attendaient à se réveiller le lendemain matin – si toutefois ils se
 Au petit matin du 14 octobre 1962, l’avion-espion américain U-2
                                                                                                         réveillaient – en pleine « guerre apocalyptique ».
 prit des photos de reconnaissance de Cuba, révélant la présence de
                   Pendant que Kennedy et ses conseillers débattaient du
 sites nucléaires sur l’île. D’après les clichés, les missiles n’étaient pas
                problème, le monde était soigneusement tenu dans l’ignorance. Or,
                                                                                                            Mais  heureusement,  à  l’aube  du  dimanche  28  octobre,  se
 encore opérationnels, mais les Soviétiques mettaient tout en œuvre
 pour accélérer la mise en place de leur arsenal, tout en gardant
                                                                                                         déclaration sur Radio Moscou. Les Soviétiques, avait-il annoncé,
                opérationnels. Et si cette situation se produisait, l’opération
 secrètes leurs activités.  chaque jour qui passait, les missiles risquaient de devenir                  répandit la bonne nouvelle que Khrouchtchev avait fait une
                militaire américaine deviendrait infiniment plus dangereuse.
                                                                                                         allaient démanteler leur arsenal nucléaire à Cuba. Khrouchtchev
 Le  Président  Kennedy fut immédiatement informé  de la   Kennedy opta finalement pour une mesure risquée consistant à   aurait pu signaler que les États-Unis se pliaient aux exigences
 situation. Une fois que les missiles seraient opérationnels, fut-il mis   imposer un blocus sur Cuba. Or historiquement parlant,   exprimées dans la seconde lettre, mais il n’en fit rien. La guerre
 en garde, les villes et les citoyens d’Amérique risquaient d’être   l’instauration d’un blocus correspondait à un acte de guerre. C’est   avait été évitée de justesse.
 littéralement éradiqués. En effet, un seul missile nucléaire lancé de   pourquoi il lui préféra le terme de « mise en quarantaine », laissant
 Cuba pouvait atteindre Washington D.C ou une autre métropole   ainsi aux Soviétiques une chance de démanteler les missiles et de
 en cinq minutes, et tuer quatre-vingts millions de personnes ! Les   quitter Cuba. Cette décision était dangereuse et incompréhensible   ·   Commentaires sur Kennedy
 États-Unis n’avaient jamais été confrontés auparavant à une telle   pour certains militaires, car elle ôtait toute possibilité d’une
 menace. C’était la première fois qu’un Président américain devait   attaque-surprise. En effet, dès que Kennedy prononcerait le terme   La manière dont Kennedy géra la Crise des missiles de Cuba est
 faire face à une crise de cette ampleur. 9  de « mise en quarantaine », les Soviétiques se mettraient en état   considérée par bon  nombre  d’experts comme étant  le point

 Kennedy décida de garder cette information secrète, afin de   d’alerte maximale vis à vis d’une action militaire américaine.  culminant de son mandat présidentiel. L’épisode de « la Baie des
 planifier une stratégie et éviter d’être pris de court par les   Cependant, Kennedy ne pouvait garder éternellement le secret.   Cochons » lui avait appris à qui faire confiance, et comment
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 événements. Ses conseillers militaires lui suggérèrent de lancer une   Quelques jours après le début de la crise, les grands journaux du   s’entourer de conseillers dans ses prises de décision.  Pendant cette
 attaque-surprise massive sur Cuba et sur les sites de missiles   pays eurent vent de la situation. Mais alors qu’ils étaient sur le   crise, Kennedy fit la plupart de ses choix en s’inspirant du livre de
 soviétiques, suivie d’une invasion générale des forces américaines.   point de publier le scoop, Kennedy les devança et s’adressa lui-  Barbara Tuchman Août 14, titulaire du Prix Pulitzer, traitant des
 Mais  une  invasion  présentait  le  risque  de  déclencher  une  guerre   même à la nation.            causes sous-jacentes de la Première Guerre mondiale.
 générale contre les Soviétiques, conflit qui pouvait facilement                                            « La Première Guerre mondiale, déclara-t-il, est survenue en
 basculer dans une catastrophe nucléaire. Qui plus est, les militaires                                   raison d’une série d’incompréhensions des intentions du camp
 de Kennedy ne pouvaient s’engager à détruire 100% des missiles.   ·   La phase publique                 adverse. » L’entêtement inflexible des dirigeants de cette époque
 Et un seul missile nucléaire restant aux mains des Russes pouvait             La crise des missiles de Cuba  plongea l’humanité dans un conflit sanglant qui aurait pu être
 suffire à exterminer des millions d’Américains.  Une fois la crise devenue publique, la tension monta. Aucun camp   évité.
 De plus, même si aucun missile nucléaire n’était lancé de Cuba,   ne voulait la guerre, mais chacun s’y sentait acculé. Le 24 octobre,   La Seconde Guerre mondiale, en revanche, évolua de la sorte,
 Kennedy était persuadé que les Soviétiques répliqueraient en   des navires marchands soviétiques (apportant peut-être des missiles   notamment car les conciliateurs comme Neville Chamberlain se
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 envahissant Berlin Ouest. Or à l’époque, Berlin-Ouest était à   supplémentaires) s’approchèrent de la ligne de blocus. Les navires   plièrent aux exigences d’Hitler.  Les chefs politiques de l’époque
 l’URSS ce que Cuba était aux États-Unis. Si Berlin-Ouest était   de guerre américains envoyés dans leur direction repérèrent   péchèrent par excès inverse : ceux qui avaient le pouvoir de





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