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 envahie,  l’Amérique, liée  par un  traité, aurait de  nombreuses   Robert Kennedy prit congé de l’ambassadeur russe, ne sachant   En mars 1946, Winston Churchill résuma la situation en ces
 raisons de défendre cette ville. Risquait alors de s’ensuivre une   s’il avait réussi à le convaincre. Lui et beaucoup d’autres   termes : « De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un
 guerre, probablement nucléaire.  s’attendaient à se réveiller le lendemain matin – si toutefois ils se   rideau de fer est descendu sur le Continent [européen.] »
 Pendant que Kennedy et ses conseillers débattaient du     LA  MAIN  CACHEE  réveillaient – en pleine « guerre apocalyptique ».   Ce « Rideau de Fer » marqua le début de la Guerre Froide.
 problème, le monde était soigneusement tenu dans l’ignorance. Or,   Mais  heureusement,  à  l’aube  du  dimanche  28  octobre,  se
 chaque jour qui passait, les missiles risquaient de devenir   répandit la bonne nouvelle que Khrouchtchev avait fait une
 opérationnels. Et si cette situation se produisait, l’opération   déclaration sur Radio Moscou. Les Soviétiques, avait-il annoncé,   ·   Des bombes, des bombes et encore
 militaire américaine deviendrait infiniment plus dangereuse.  allaient démanteler leur arsenal nucléaire à Cuba. Khrouchtchev      des bombes

 Kennedy opta finalement pour une mesure risquée consistant à   aurait pu signaler que les États-Unis se pliaient aux exigences
 imposer un blocus sur Cuba. Or historiquement parlant,   exprimées dans la seconde lettre, mais il n’en fit rien. La guerre   En 1949, l’Union soviétique effectua un essai nucléaire en faisant
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 l’instauration d’un blocus correspondait à un acte de guerre. C’est   avait été évitée de justesse.   exploser sa première bombe atomique.  En 1953, peu avant la mort
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 pourquoi il lui préféra le terme de « mise en quarantaine », laissant                                de Staline, la Russie fit exploser sa première bombe à hydrogène
 ainsi aux Soviétiques une chance de démanteler les missiles et de                                    dont la puissance était presque 500 fois supérieure à la bombe
 quitter Cuba. Cette décision était dangereuse et incompréhensible   ·   Commentaires sur Kennedy     ayant rasé la ville japonaise de Nagasaki. Parallèlement, ils mirent
 pour certains militaires, car elle ôtait toute possibilité d’une                                     au point des missiles intercontinentaux perfectionnés, capables de
 attaque-surprise. En effet, dès que Kennedy prononcerait le terme   La manière dont Kennedy géra la Crise des missiles de Cuba est   porter des ogives nucléaires.
 de « mise en quarantaine », les Soviétiques se mettraient en état   considérée par bon  nombre  d’experts comme étant  le point   En  1957, les  Russes réussirent  le lancement dans l’espace  du
 d’alerte maximale vis à vis d’une action militaire américaine.  culminant de son mandat présidentiel. L’épisode de « la Baie des   satellite Sputnik, ce qui déclencha un vent de panique aux États-
              Cochons » lui avait appris à qui faire confiance, et comment                            Unis. En effet, non seulement l’Union soviétique pouvait
 Cependant, Kennedy ne pouvait garder éternellement le secret.   s’entourer de conseillers dans ses prises de décision.  Pendant cette
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 Quelques jours après le début de la crise, les grands journaux du   crise, Kennedy fit la plupart de ses choix en s’inspirant du livre de   construire des missiles capables de frapper partout dans le monde,
 pays eurent vent de la situation. Mais alors qu’ils étaient sur le   Barbara Tuchman Août 14, titulaire du Prix Pulitzer, traitant des   mais Sputnik prouvait que les Russes avaient dépassé les États-
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 point de publier le scoop, Kennedy les devança et s’adressa lui-  causes sous-jacentes de la Première Guerre mondiale.  Unis dans le domaine de la technologie des missiles.  Cette
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 même à la nation.
                 « La Première Guerre mondiale, déclara-t-il, est survenue en                         et contribua à l’escalade de la course à l’armement nucléaire jusqu’à
              raison d’une série d’incompréhensions des intentions du camp                            un point de non-retour. 5

 ·   La phase publique  adverse. » L’entêtement inflexible des dirigeants de cette époque                Les citoyens des deux pays se préparèrent à une Troisième
              plongea l’humanité dans un conflit sanglant qui aurait pu être                          Guerre mondiale. Les écoles enseignèrent aux enfants les normes   La crise des missiles de Cuba
 Une fois la crise devenue publique, la tension monta. Aucun camp   évité.                            de sécurité civile, leur expliquant la conduite à suivre en cas
 ne voulait la guerre, mais chacun s’y sentait acculé. Le 24 octobre,   La Seconde Guerre mondiale, en revanche, évolua de la sorte,   d’attaque nucléaire. Les choses allèrent si loin que même au sein de
 des navires marchands soviétiques (apportant peut-être des missiles   notamment car les conciliateurs comme Neville Chamberlain se   la population, les propriétaires se mirent à construire des abris
 supplémentaires) s’approchèrent de la ligne de blocus. Les navires   plièrent aux exigences d’Hitler.  Les chefs politiques de l’époque   anti-bombes dans leur jardin. La Troisième Guerre mondiale qui
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 de guerre américains envoyés dans leur direction repérèrent   péchèrent par excès inverse : ceux qui avaient le pouvoir de   menaçait d’éclater serait la « guerre ultime », celle qui ne laisserait
 La crise des missiles de Cuba
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