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Introduction
Comme l’ont brillamment démontré Mircea Éliade (1976) et Claude Lévi-
Strauss (1962), les articulations religieuses se placent à la jonction des
coutumes traditionnelles et des phénomènes cycliques où ils s’inscrivent.
Les coutumes constituent des ensembles de relations symboliques choisies
par un peuple dans un certain milieu. Ces systèmes de relations sont si
puissants qu’ils se maintiennent quasi-intacts malgré l’écoulement du temps
ou les transformations du milieu. Leur ultime justification se place en effet
dans la sphère métaphysique et accroche les règles de la vie sociale aux
raisons même de l’existence. Ainsi, via ses symboles, la vie sociale porte un
sens et peut être poursuivie, garantie, justifiée, pour soi-même comme par
rapport aux rythmes naturels, tels les mouvements astraux, le rythme des
saisons, les cycles de naissance et de mort. Un « ordre » est dès lors apporté
à la fois à l’existence de l’univers et aux fonctions sociales qui s’y
accordent. L’exclusion ou la mise hors circuit, plus ou moins explicite,
d’individus enfreignant ces règles porte dès lors une sorte de valeur sacrée
correspondant inconsciemment au maintien de cet ordre grâce auquel le
groupe aurait « toujours » survécu. Le conditionnel s’impose ici car autant
les fonctionnements traditionnels peuvent être variés dans le même milieu,
autant les « marginaux » ainsi définis peuvent-ils, au risque de leur vie, faire
admettre des lois du changement et le déterminisme futile d’une civilisation.
Cet ordre existe de manière si puissante à travers les millénaires qu’on peut
en suivre la trace par les expressions matérielles laissées par les rituels qui
le perpétuent. Ces expressions apparaissent avec d’autant plus de netteté
qu’elles s’appliquent à des phénomènes accessoires, là où l’emprise de la
technicité laisse le champ libre aux harmonies plastiques, tels les costumes,
les décors muraux, les textiles éphémères ou les masques d’usages
occasionnels. Ces reflets lointains d’une métaphysique disparue se
perpétuent discrètement grâce à une pirouette propre aux mécanismes
historiques : ils sont rangés parmi les activités « folkloriques » c’est-à-dire
extraits en quelque sorte de l’histoire en marche : ils sont tous devenus
« marginaux ». Par l’ironie du temps, ce qui fut sacré devient dérisoire, ou
considéré comme tel.
Les manifestations mythiques les plus fondamentales, celles qui renouent
les liens entre la société et l’univers, furent le plus souvent exprimées par
une gestuelle et par des discours éphémères : les voies du sacré répugnent à
la fixité et à l’accessibilité qu’impose l’écriture. Elles doivent rester secrètes
afin de garder toute leur force et leur cohésion. Transmises oralement, elles
s’inscrivent dans les coutumes et y prennent racine, puis se développent, à
l’abri de toute remise en cause. Mais chaque manifestation ritualisée
s’exprime aussi par la vue où viennent jouer les expressions plastiques,
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