Page 63 - Lux in Nocte 16
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à faire fructifier les futures récoltes, le bétail et les hommes. C’est aussi le
mois des morts et de la renaissance : un porc est sacrifié car ses entrailles
sont assimilées à l’utérus de la moisson. De la fin décembre au début
janvier, on évite de quitter la maison car le diable rôde. Des êtres maléfiques
(vampires) cherchent à sucer le sang des moissons et la fertilité des sols.
L’ail, cousu aux vêtements, est utilisé pour ses vertus protectrices.
Chacune de ces cérémonies requiert les costumes et les coiffes appropriées
où les signes de leur consécration sont brodés. L’arbre de vie y est
spécialement fréquent, ainsi que les spirales, signes de perpétuité. Les
masques, les couleurs, les gâteaux, les vaisselles employées, tous portent la
marque de leurs fonctions magiques étalées au fil de l’année. Les libations
sont fréquentes, et ne laissent aucune trace. Les choix des fleurs, des feuilles
et des branches reflètent le sens de ces fêtes. Les broderies de tabliers
portent des schémas issus des animaux honorés ou redoutés : serpents ou
béliers. Les œufs décorés, les couronnes de fleurs, au symbolisme puissant
ne laissent subsister aucune trace également, pas plus que les feux, les
gestes et les danses pourtant si fervents et chargés de pouvoirs magiques, de
signification protectrice ou plein d’espérance. Ce cas particulier nous
ramène aux situations analogues, vécues en préhistoire dont pourtant les
fondements économiques et les cultes astraux furent si proches.
Richesse et symboles des costumes actuels
Un ouvrage spécial fut consacré aux diversités des décors vestimentaires,
cérémoniels et aux caractères fortement traditionnels (Komitska et
Borissova, 2000). Les symboles y abondent à foison et on y retrouve
facilement la relation aux sens des fêtes : l’oiseau qui emporte les vœux, les
cercles solaires, les sinuosités des serpents et, surtout, l’image ambigüe de
l’arbre sacré liant la terre et le ciel, mais dont la silhouette évoque tout
autant un homme aux bras dressés. En outre, ces costumes sont absolument
somptueux. Par leur fraîcheur et portés avec fierté, ils restituent un pan de la
conscience religieuse néolithique régionale : le même « esprit » y règne,
dans les rapports texturaux, le jeu des formes amples, le choix des couleurs,
les jeux des schémas. Ils disent comment la foi s’est transformée en formes.
Ils expriment à quel point l’expression d’une appartenance ethnique se
matérialise dans l’élégance. Ils montrent l’aspect vital des cérémonies à
respecter rigoureusement. Mais ils désignent aussi l’importance de la perte
du document archéologique qui a perdu la brillance, les couleurs, et, surtout,
la fierté dégagée par les regards des femmes ainsi sacralisées.
La signification religieuse des signes à ce point schématisés était peut-être
déjà perdue dès la préhistoire : ils étaient devenus, comme nos lettres de
l’alphabet, de pures formes abstraites mais investis de valeur sacrée, codée,
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