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qu’il s’agisse ici de contraintes mécaniques toutes différentes (peintures ou
gravures sur statuettes). Les thèmes des oiseaux (ascension des vœux) et des
serpents (fertilité et dangerosité des sous-sols) figurent non seulement au
titre de décoration mais aussi comme statuettes, ou les deux animaux, aux
fonctions opposées mais complémentaires, furent parfois associés. Les
béliers, si souvent employés comme thèmes agressifs dans les masques
rituels actuels, abondent aussi sous forme de statuettes ou de décors gravés.
Les losanges horizontaux figurent autant sur les robes des statuettes d’argile
que sur les robes et tabliers actuels. Bien entendu, l’image de la femme est
abondamment reproduite, dans toutes les positions, y comprises celles
d’accouchement, de « déesses » trônant ou hiératiques, figées comme en
réponse à une pose fixée. Elles rappellent alors toutes les images où les
femmes actuelles, dès qu’elles portent les costumes rituels, se dressent et
exposent les attributs de leur fonction sacrée, comme une affirmation, une
exhibition de leur raison d’être et comme porteuses du destin du groupe. Les
monstres, démons et êtres composites annoncent l’esprit du « dragon » des
contes populaires actuels, courant la nuit dans les champs morts, au cœur de
l’hiver. Les taureaux et les oiseaux rapaces, si courants dans les rituels
ethnographiques, forment la base de décors et de modelages dès le
néolithique. Des statuettes, interprétées comme symboles de mort et de
résurrection par l’opposition symétrique de leur décor, évoquent la
célébration coutumière de cette phase au creux de l’hiver solaire (solstice).
Les œufs, sacralisés aujourd’hui (peinture et offrandes aux sillons), chargés
de symbolique spontanée de la reproduction en germe, sont aussi un motif
fréquent de décors gravés ou peints.
Conclusion
Ainsi, trop souvent réduites au niveau anecdotique, les activités dites
« folkloriques » reflètent en fait des formes d’équilibre multimillénaires
qu’une société s’est structurée pour se forger une identité. Les repères
fondamentaux de la conscience collective y restent liés à des schémas dont
le sens originel fut le plus souvent perdu, en dépit d’une répétition
perpétuelle. Les fêtes, les rituels, les costumes s’articulent aux rythmes des
phénomènes saisonniers, des moments-clefs des activités économiques, des
cycles biologiques de la vie (mariages, naissances, morts et rappels des
défunts). Tout cela fonctionne en harmonie avec les mouvements célestes,
les jeux des planètes et des étoiles. Autant de solutions forgées aux
palpitations de l’existence, terrestres, célestes et humaines, ont déterminé
des formules, considérées comme « païennes » mais dont les valeurs n’ont
jamais vraiment quitté l’esprit d’un peuple. Si on y est sensible et attentif,
ces formules s’imposent à l’évidence, tant leur goût est prononcé et
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