Page 64 - Lux in Nocte 16
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significative. Ils donnent une leçon d’humilité, autant sur nos créations
artistiques contemporaines que sur la splendeur fanée des documents
retrouvés en préhistoire.
Artisanats
Avec la même constance (Kovacheva-Kostadinova et al. 1994), on voit
réapparaître les motifs mythologiques sur les ustensiles d’usages les plus
banals. De la boîte à la cuillère, des masques rituels aux décors des cannes
aux crosses de bergers, les thèmes d’animaux mythiques, à peine
schématisés, traversent les contraintes mécaniques les plus diverses, autant
que les nécessités fonctionnelles, d’apparence si contraignante. La même
symétrie et les mêmes accords de tons structurent les décors brodés des
étoffes familières, nappes, couvertures, décorations murales. Une
grammaire semble s’imposer aux formes aussitôt que la contrainte
technique est satisfaite et laisse libre cours aux « décors secondaires », telles
les tasses en bois, ou les têtes de quenouilles, les poires à poudre ou les
chandeliers. Toujours, la rosace domine, l’arbre sacré s’impose et les
spirales s’enroulent telle la vitalité spontanée de l’univers et des hommes.
Les monstres et les masques surgissent du décor, sinueux et coloré. Jusque
dans les décors les plus contraints par les lois mécaniques, les plus
dépouillés, tels les croix et les losanges, la même harmonie réunit les
teintes, les textures, les rythmes, comme s’ils transperçaient les nécessités
fonctionnelles pour rejoindre les mondes obscurs des symboles oubliés dont
seuls les schémas démystifiés subsistaient.
Quelques exemples comparatifs au Néolithique
La documentation consacrée aux mêmes effets de style se trouve dans une
littérature archéologique mille fois plus importante, paradoxalement, que
celle consacrée aux récits mythologiques contemporains. L’abondance des
fouilles, la richesse de ces civilisations, leur immense diversité et la durée
multimillénaire de ces productions expliquent et justifient cette abondance
de l’information archéologique issue des Balkans néolithiques. Parmi
l’ample moisson de travaux édités, nous n’avons sélectionné ici que
quelques synthèses significatives (Kruta, 1992 ; Gimbutas, 1991). Tout
comme dans les récits mythiques actuels, certains thèmes fixes abondent,
telle la spirale et les méandres. Le plus souvent, les schémas décoratifs sont
portés sur des statuettes, essentiellement féminines, comme s’il s’agissait de
motifs portés aujourd’hui sur les robes et les costumes rituels. La relation à
l’eau y est aussi constante par exemple par les statuettes où s’assemblent le
récipient et la figurine, ou les méandres et les spirales. La schématisation y
est du même style qu’aujourd’hui, sur la vaisselle ou sur les robes, bien
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