Page 72 - Lux in Nocte 17
P. 72
DIX-HUITIÈME SIÈCLE
e
J’adore le XVIII siècle où cependant, à force de perfection et de transparence, la langue
s’est débilitée comme d’ailleurs la société. J’ai beaucoup pratiqué la prose exsangue et
pure du siècle, les écrivains mineurs en particulier.
Avec Gerd Bergfleth, 1984.
DOSTOÏEVSKI
Il est peut-être l’écrivain le plus profond, le plus étrange, le plus compliqué de tous les
temps. Je le mets en tête de tout le monde, avec des défauts énormes mais avec des
éclats de sainteté.
Avec Branka Bogavac Le Comte, 1992.
ÉCHEC
Celui à qui tout réussit est nécessairement superficiel. L’échec est la version moderne
du néant. Toute ma vie j’ai été fasciné par l’échec. Un minimum de déséquilibre
s’impose. À l’être parfaitement sain psychiquement et physiquement manque un savoir
essentiel.
Avec Sylvie Jaudeau, 1988.
ÉCRIRE
J’écris pour me débarrasser d’un fardeau ou tout au moins pour l’alléger. Si je n’avais
pas pu m’exprimer, je me serais livré à plus d’un excès. Le philosophe subjectif part de
ce qu’il sent, de ce qu’il vit, de ses caprices et de ses troubles. On peut objectiver ce
qu’on éprouve, on peut le masquer. Pourquoi le ferais-je ? Ce que j’ai ressenti au cours
des années s’est mué en livres et c’est comme si ces livres s’étaient écrits d’eux-mêmes.
[...] Écrire est la grande ressource quand on n’est pas un habitué des pharmacies, écrire,
c’est se guérir. Je vous donne ce conseil : si vous haïssez quelqu’un sans vouloir
spécialement le supprimer, marquez cent fois son nom suivi de «je vais te tuer ». Au
bout d’une demi-heure, vous êtes soulagé. Formuler, c’est se sauver, même si on ne
gribouille que des insanités, même si on n’a aucun talent. Dans les asiles d’aliénés, on
devrait fournir à chaque pensionnaire des tonnes de papier à noircir. L’expression
comme thérapeutique.
Avec Gerd Bergfleth, 1984.
72