Page 70 - Lux in Nocte 17
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Evocation E.M. CIORAN

                 (Aphorismes, Extraits, Textes courts)          Proposé par : Armel LACOMBE



                 GLOSSAIRE (D-E)



                 DÉBUTS DANS L’ÉCRITURE

                 Mon  premier  livre,  paru  en  1934,  est  contaminé  d’un  bout  à  l’autre  par  le  jargon
                 philosophique.
                 Ce qui le sauve, c’est le fond éminemment sombre. J’avais perdu alors le sommeil, toutes
                 mes nuits étaient devenues des nuits blanches et ma vie une perpétuelle veille. J’habitais

                 une ville presque aussi belle que Tübingen : Sibiu, en Transylvanie. Je déambulais la nuit
                 par les rues, tel un fantôme. C’est alors que m’est venue l’idée de hurler mon désarroi.
                 Ainsi naquit Sur les cimes du désespoir, titre fâcheux dont usaient les quotidiens à l’occasion
                 d’un suicide. [...] J’ai donc débuté comme atteint ou presque pour devenir ensuite de plus
                 en plus normal, trop normal même. Il y avait dans mon livre une sincérité infernale,
                 voisine de la démence ou de la provocation.
                 Avec Gerd Bergfleth, 1984.

                 DÉCADENCE


                 Longtemps,  je  me  suis  intéressé  à  la  décadence  de  l’Empire  romain,  dont  la  fin
                 désespérée, complète, honteuse, est un modèle pour toutes les civilisations. Et si à
                 présent  je  m’intéresse  tant  à  l’Occident,  l’Occident  contemporain,  c’est  parce  qu’il
                 rappelle le crépuscule des grandes civilisations antérieures.
                 Avec J. L. Almira, 1983.


                 DÉPRESSION

                 Tout ce que j’ai écrit, je l’ai écrit à des moments de dépression. Quand j’écris, c’est pour
                 me délivrer de moi-même, de mes obsessions. Ce qui fait que mes livres sont un aspect
                 de moi, ils sont des confessions plus ou moins camouflées. Ecrire est une façon de se
                 vider soi-même. C’est une délivrance. Autrement, ce qu’on porte en soi deviendrait un
                 complexe.
                 Avec Branka Bogavac Le Comte, 1992.



                 DESTIN

                 Pourquoi est-ce qu’un type est un bon poète et un autre pas ? Alors que l’autre est plus
                 subtil ? Pourquoi est-ce que sa poésie ne résiste pas ? Parce que ce qui fait l’origine des
                 actes, ce qui est profond, ne passe pas ; c’est brillant, c’est remarquable, c’est poétique,
                 mais sans plus. Pourquoi est-ce qu’un autre qui a moins de talent est un plus grand

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