Page 71 - Lux in Nocte 17
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poète ? Pourquoi est-ce qu’un type est un génie, c’est-à-dire plus qu’un talent ? Parce

                 qu’il réussit à transposer quelque chose qui nous échappe, et qui échappe même à lui-
                 même.
                 Avec Michael Jakob, 1988.


                 DEVENIR

                 Toute hérésie — que j’aime ce mot ! — est exaltante. Après la trop longue hégémonie
                 chrétienne, nous pouvons maintenant adopter sans embarras l’idée d’un principe impur,

                 immanent au Créateur et au créé. Cette idée nous permet de mieux comprendre et
                 surtout de mieux affronter l’inqualifiable devenir historique et, à vrai dire, le devenir
                 tout court. La croyance à un tel principe n’est certes pas un remède miracle, mais elle
                 n’en constitue pas moins un refuge pour tous ceux qui ne cessent de ruminer sur la
                 carrière triomphale du Mal.
                 Avec Gerd Bergfleth, 1984.



                 DIEPPE

                 Comme tu vois, je passe ma vie entre Paris et Dieppe. Je me réfugie ici pour deux ou
                 trois jours (j’y reste rarement plus longtemps) afin d’échapper aux visites. Je supporte
                 de moins en moins les gens. Et puis la conversation me fatigue, et cela d’autant plus
                 que c’est presque toujours moi qui parle. Ce vice est un legs de notre mère...
                 À Aurel Cioran, 1977 — lettre.



                 DIEU

                 Dieu signifie la dernière étape d’un cheminement, point extrême de la solitude, point
                 insubstantiel  auquel  il  faut  bien  donner  un  nom,  attribuer  une  existence  fictive.  Il
                 remplit en somme une fonction : celle du dialogue. Même l’incroyant aspire à converser
                 avec le « Seul », car il n’est pas facile de s’entretenir avec le néant.

                 Avec Sylvie Jaudeau, 1988.


                 DILEMME

                 Quand j’ai écrit mes premiers livres, j’ai pensé m’en tenir là. Jusque-là j’avais considéré
                 qu’un livre était une sorte d’explication avec la vie, une sorte de lutte, un règlement de
                 compte. La pensée qui me dominait à l’époque était : « Ou l’existence ou moi ! » L’un
                 des deux devait céder. Je considérais donc que ces livres étaient un acte d’agression.
                 Avec Léo Gillet, 1982.




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