Page 74 - Lux in Nocte 17
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où mon père m’y emmena. On avait loué une voiture à cheval et j’ai pleuré, j’ai pleuré

                 tout le temps, car j’avais le pressentiment que le paradis était fini.
                 Avec Michael Jakob, 1988.

                 ENNUI

                 Je  peux  dire  que  ma  vie  a  été  dominée  par  l’expérience  de  l’ennui.  J’ai  connu  ce
                 sentiment dès mon enfance. Il ne s’agit pas de l’ennui que l’on peut combattre par des
                 distractions,  la  conversation  ou  les  plaisirs,  mais  d’un  ennui,  pourrait-on  dire,  «
                 fondamental » ; et qui consiste en ceci : plus ou moins brusquement, chez soi ou chez

                 les autres, ou devant un très beau paysage, tout se vide de contenu et de sens. Le vide
                 est en soi et hors de soi. Tout l’univers demeure frappé de nullité. Et rien ne nous
                 intéresse,  rien  ne  mérite  notre  attention.  L’ennui  est  un  vertige,  mais  un  vertige
                 tranquille, monotone ; c’est la révélation de l’insignifiance universelle, c’est la certitude,
                 portée jusqu’à la stupeur ou jusqu’à la clairvoyance suprême, que l’on ne peut, que l’on
                 ne doit rien faire en ce monde ni dans l’autre, que rien n’existe au monde qui puisse
                 nous convenir ou nous satisfaire. [...] Une précision s’impose : l’expérience que je viens

                 de  décrire  n’est  pas  nécessairement  déprimante,  car  elle  est  parfois  suivie  d’une
                 exaltation qui transforme le vide en incendie, en un enfer désirable.
                 Avec Fernando Savater, 1977.

                 Dans l’ennui, le temps ne peut pas s’écouler. Chaque instant se gonfle, et le passage
                 d’un instant à l’autre ne se fait pas. [...] Dans la vie, l’existence et le temps marchent
                 ensemble, font une unité organique. On avance avec le temps. Dans l’ennui, le temps
                 se détache de l’existence et nous devient extérieur. Or, ce que nous appelons vie et acte,
                 c’est l’insertion dans le temps. Nous sommes temps. Dans l’ennui nous ne sommes plus

                 dans le temps. D’où ce frisson extraordinaire, ce sentiment de malaise profond ; et je
                 dois être objectif : on peut finir par aimer cet état. Cette sorte de complaisance à l’ennui,
                 je l’ai connue dans ma vie. On se roule, on se vautre dans l’ennui.
                 Avec Léo Gillet, 1982.

                 ESPAGNE


                 Les Espagnols pratiquent fanatiquement la dérision. Leur orgueil personnel, toujours
                 accompagné d’ironie, se retourne contre eux, et grâce à cela, n’est pas insupportable, en
                 définitive. [...] L’Espagne représente pour moi l’émotion à l’état pur.
                 Avec J. L. Almira, 1983.

                 J’ai une sorte de culte de l’Epagne. J’aime en Espagne toute la folie, la folie des hommes,
                 ce  qui  est  imprévisible.  Je  suis  fou  de  tout  en  Espagne.  C’est  le  monde  de  Don
                 Quichotte.
                 Avec Branka Bogavac Le Comte, 1992.





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