Page 76 - Lux in Nocte 17

7 -ème conversation dominicale

Epaminondas Chiriacopol

A la fin de la nuit de Pâques, il est arrivé dans un rêve, sans invitation, sans
préalable, comme cela, mal fagoté, émietté, en train de se recomposer en dessous de
mon regard éteint, mon inséparable Alter Ego.
Une fois refait, sans gêne, il m’a débité son histoire sans que je puisse glisser
le moindre mot, la moindre protestation. Resté dans le brouillard, dans un halo qui
le rendait difficilement reconnaissable, il s’exprimait d’une voix monocorde et voilée
qui m’obligeait à gonfler mes tympans au-delà du raisonnable. Il commença ainsi :

« Je fus contacté par la voie mystérieuse dédiée uniquement à mon propre alter
égo. Cet autre « moi », AlterX, discret et maniéré, avec des ramifications multiples
dans la caverne spirituelle universelle, visiteur secret du cerveau reptilien de
nombreux individus grâce à ses propriétés quantiques, dont l’intrication qui lui
permettait d’être partout et autant dans le passé que dans le futur, avait siégé pour un
certain temps dans l’esprit du cosmonaute de la dernière mission interplanétaire, le
lieutenant Yeno.
Celui-ci, dans le cadre d’une mission largement diffusée par les médias, a été
endormi et « enseveli » dans un « sarcophage » spécialement prévu pour un voyage
dans le cosmos pour une durée d’un siècle. Ainsi, lors de son retour, témoin réel
d’une certaine époque, il allait découvrir l’évolution de la civilisation après une
absence absolue et, censé s’adapter à une réalité profondément modifiée sans la
moindre information concernant l’actualité.
Surpris par cette expérience, j’ai engagé un dialogue télépathique avec
« AlterX », discussion imperceptible pour toi car elle se déroulait au-delà du troisième
degré de l’abysse métaphysique, niveau inaccessible aux humains. Donc, continue
ton sommeil mais évite de ronfler car cela perturbe la communication. Un peu jaloux
à cause de mes limites vitales dépendantes de toi, j’ai voulu asticoter AlterX :
-Et alors ! Tu penses être encore en vie dans 100 ans ?
-Non, me dit-il, mais ayant accès au futur je peux te renseigner et t’offrir un sujet
intéressant pour la revue !
-D’accord, je t’écoute.
-Donc, le vol et l’atterrissage se sont déroulés sans incidents. Le sommeil fut une
longue cure d’inconscience agréable pour Yeno et le réveil lent et doux a été
parfaitement vécu. Revenu sur terre, identique à lui-même, il tomba des nues, c’était
le cas, étant stupéfait par l’accueil qui lui fut réservé. Contre toute prudence il enleva
son casque pour se frotter les yeux, mais sans de meilleurs résultats.
-Pourquoi ? Que s’est-il passé ?
-Justement ! Rien. Imagine ! Tu participes à une expérience unique dans l’histoire du
monde, tu voyages pendant 100 ans et personne, je dis bien : personne sur le
cosmodrome pour t’accueillir. Heureusement, il faisait jour. Tout était préparé
comme prévu et il a pu avancer et descendre tranquillement l’échelle accompagné

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