Page 35 - Lux in Nocte 13
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Le basculement métaphysique du Néolithique         1





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                      Comme s’il suivait un ordre logique et cohérent, le processus néolithique se place
               dans la trajectoire universelle qui affecte tôt ou tard toute société humaine. Considéré dans
               son action collective, l’esprit cherche à contrôler la nature dès la fin du Paléolithique en lui
               imposant  un  ordre  théorique  renouvelé :  les  mythes  basculent  vers  les  religions  dans
               lesquelles  les  divinités    interviennent.  Dans  cette  nouvelle  conception  faite  à  la  place  de
               l’homme, l’alimentation procède par une récolte sélective et intense de certaines ressources
               sauvages. La domestication des plantes et des animaux est d’abord un fait de comportement
               lié à la volonté de maîtriser le déroulement du temps et l’emprise spatiale dans des cultures
               en  voie  de  sédentarisation.  Les  lois  naturelles  sont  alors  compromises  car  l’équilibre  est
               rompu entre les ressources offertes par la nature et les règles de contrôle démographique
               dans  les  populations  en  constante  expansion.  L’homme  impose  ses  règles  sociales  à  son
               milieu :  même  resté  à  l’état  sauvage,  il  est  surexploité  durant  des  millénaires  au
               Mésolithique. Mais ce processus échappe bientôt à l’intention consciente car les ressources,
               une  fois  isolées  et  reproduites  intensément,  modifient  leurs  caractères  biologiques  elles
               deviennent involontairement des « espèces domestiques ». Les sociétés humaines s’y adaptent
               en fournissant des explications métaphysiques toujours plus conquérantes à ces processus
               qui semblent leur échapper. Les images artistiques tendent vers des schémas désincarnés et
               vers des silhouettes humaines bien avant l’agriculture proprement dite. Voilà le signe d’une
               domestication  intellectuelle  bien  antérieure  à  la  domestication  et  à  ses  conséquences
               économiques (fig.1).



















               Fig.  1.  Au  Mésolithique,  l’homme  a  déjà  triché  avec  la  nature  ;  il  lui  impose  ses  lois  en
                   sélectionnant les ressources mais surtout en établissant des villages et des nécropoles
                   fixes, à croissance démographique constante. Les ramures des cerfs servent d’attributs
                   symboliques aux défunts pour leur revitalisation (une sépulture d’Hoëdic, Bretagne)





               1   Association  des  Amis  de  Pierre  Teilhard  de  Chardin,  Actes  du  colloque  de  Paris  2018,  De  l’Origine  de
               l’homme à l’ultra-humain de Pierre Teilhard de Chardin, Le basculement métaphysique du Néolithique, 2019,
               pp. 27-39.





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