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AI PERDU
Je viens une fois de plus me faire cuire un œuf. C’est la barbe !
Ma tendre future fiancée a refusée une Perle des Mers du Sud.
Je me suis endetté à tel point que je vis dans mon étable avec
trente-trois vaches et loué mon corps de logis.
Si j’avais eu de l’audace je m’serai mis en fermage le corps et à
défaut signé un pacte avec le diable qui m’aurait remis au
moins un wagon d’or. Mais l’or ne fait pas l’amour et moi je
suis animé par l’amour, non par le mercantile des choses.
Voilà que j’ai le hoquet… Je range mon beau costume dans
l’armoire aux poules que j’aie virées depuis un bon mois. Je les
ai déménagées dans l’autre aile du bâtiment de l’étable… avec
tout le confort, je crois.
Je reste prostré, assis sur un tabouret trois pieds et c’est moi
qui perds pied. Je me lève comme un ressort délogé de son…
logement. Je suis un passionné refoulé. Et je crie comme une
bête (parmi mes vaches qui meuglent avec ce regard
interrogateur d’une seule pièce) nu qu’il me faudrait
m’empailler sur le champ…
Je m’agite, déraisonne… je vais me mettre un ruban à cet
endroit… de nœud à nœud ça tient… Je me cause, mets en
cause, m’étire, et rage, déglutis des mots, sors dents de
carnassier à qui me retiendrais et cours en virevoltant, je veux
que le monde voit ma détresse si ce n’est le village moqueur et
de son cafetier greffé de la belle blonde de la ferme Les
Bleuets.
— V'là t’y pas que le Paul est devenu fou à c’trimbaler le nœud
tout en mât au vent, la chair sans fringue…et à danser comme
un coq qui a perdu sa cote…
— Sers-moi un canon… et laissons le divaguer. Y a une mare
pas loin, il va reprendre ses esprits.