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RHUM ARRANGÉ
Aujourd’hui, je bois. Rhum, sur rhum et que l’on ne vienne pas
me mettre le bouchon sur cette noble et libidineuse bouteille.
Le goulot me pénètre comme une verge dans l’anal de mon
palais comme un bouche à bouche de délice, à l’ivresse
honnête d’un jus qui m’allaite jusqu’à la garde…
Je suis malade et je bois pour oublier une autre souffrance qui
m’assassine chaque jour mielleuse, elle ronge l’enjôleuse, la
nébuleuse, l’odieuse, la vénéneuse… Je rage comme un ver de
terre empalé, entortillé sur un hameçon rigolard de me faire
prendre le bain d’eau froide violemment, agressivement,
brutalement…
Je ris de ma victoire quand je ressens le brouillard de douleurs
qui s’estompe comme essoré par l’alcool expert en anesthésie
locale. Je me montre guilleret et l’énième cigarette de lèvres à
doigts j’humecte ma joie de vivre et attend presque un vagin
bien mouillé… et c’est le goulot de ma bouteille qui
m’introduit… de nouveau au plaisir sans faim qui s’impose en
des larmes de résignation, et ma soumission pleure avec moi
de cette dégradation de jour en jour qui effiloche ma crainte de
la mort comme une possible bienvenue, comme une
alternative…
— Vous avez là un drôle de paroissien cafetier…
— A qui le dites-vous ! C’est un ancien curé de Rome, au
chômage, c’est dire…