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ENTRE SOURIRES TRISTES
Il est midi cinquante-six depuis dix minutes déjà… étrange. Je
prends mon sceau après avoir soigneusement pliée ma lettre
de… démission et j’estampille… et je remets à la directrice du
personnel toute triste de me voir partir avec ce sourire que
nous échangeons…
Oui, je pars, je pars, je pars… cela fait du bien de le dire.
Tout me devient indifférent, si ce n’est une assuétude. Je n’ai
plus d’envie et l’assaut d’un nouveau projet me laisse froid,
comme un rond-point planté dans son sens giratoire. Je tourne
en rond-moi.
J’ai pourtant ce sursaut d’instinct de survie, un canot de
sauvetage à la Bombard, une phrase du genre « qui n’attend
rien, peut tout se permettre » …tout cela dans le même seau
de pensées, bien agité, un cocktail, et même si la vie est un
cerceau, voire plus justement un carcan…j’ose me bouger pour
le partir…
Je pars… définitivement de ma vie d’aujourd’hui, pour une vie
de demain, et vais m’inscrire à une asso nommée : « bien rire,
bien vivre ». J’ai fait le saut. J’en ai le cafard, mais je souris à
l’inscription et m’engage à faire des efforts.
J’ai les zygomatiques frileux, et mon réchauffement climatique
perso va être difficile. Je m’arc-boute, et tiens l’arceau de mes
efforts comme un haltérophile…
Mais, à l’évidence de quelques semaines, je rends mon tablier-
visage-sourires pour celui de tristesse engagée. Suis-je un sot ?
Suis-je incurablement triste de vivre que je continue de porter
ma carcasse… Si j’étais un triste heureux. Mais non, je suis un
triste, triste… Alors, je reviens d’où je suis parti et reprends
ma vie d’avant qui a toujours été ce monde à moi… en attente
du sourire triste de joie de mon retour de la directrice du
personnel…