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À EN PERDRE LA TÊTE
Rien ne va plus. J’ai un océan de factures à payer. J’exagère.
Oui, je sais. Rien n’est simple pour « ma petite entreprise ».
J’ai refroidi un trésorier du royaume, l’année passée. Ses
restes font partie de la composition de ma statue nommée : le
nuancier des douleurs, inaugurée par le seigneur du territoire,
amateur éclairé d’art… humanoïde. C’est particulier et rien à
voir avec l’art de l’armure. Et je me ferai parjure si je devais
changer de matériaux.
N’empêche que cet amour à un coût et je dois faire des pieds
et des mains (j’aime bien cette expression) aux équarrisseurs
de notre royaume pour me procurer quelques coquins
détrousseurs, coupe-jarrets ou brigands condamnés dans une
des geôles du pays.
Je suis un peu nostalgique (et aussi parfois mélancolique) du
temps où le droit de création n’avait pas de limite. Nous étions
dans un maelström de l’autopsie de l’art jusqu’à son épilepsie
en compagnie du Bal des Dézingueurs. Et surtout la gratuité
des matériaux. « On a beau faire, beau dire », quand le produit
de production vaut une bouchée de pain, (voire gracieusement
procurer) la vie de l’entrepreneur est moins laborieuse. Et sur
ce point la Transnistrie a bien changé. Et la preuve j’en suis a
produire, (et oui) un orphéon par mois, pour sortir la « tête
hors d’eau ». J’en ai presque honte, mais comment éponger
mes factures autrement ? Enfin, je ne suis pas le plus à…
Tiens ? qui frappe à la porte ?
A peine ouverte, mon regard à l’éclat de surprise quand d’un
coup de sabre…ma tête roule sur mon seuil.
— Enfin, un goinfreur en moins dans notre royaume et notre
cher collègue vengé.