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Préface,
extrait du livre des mots et des hommes *
de Georges GOUGENHEIM. *
Véhicules d'autrefois
Le mot véhicule est le terme le plus général pour désigner les moyens de transport terrestres. Mais c'est
un mot savant, peu employé dans la langue courante et emprunté au latin seulement au XIXème siècle.
Autrefois, c'était le mot voiture qui avait le sens le plus général. Venu du latin vectura, « action de
transporter », il ne désignait pas seulement des véhicules à deux ou quatre roues, mais toute espèce de
moyen de transport. Mme de Sévigné pouvait écrire : « Votre voiture doit être la litière jusqu'à Roanne et
la rivière jusqu'à Briare.» Voiture se disait aussi des marchandises transportées. Dans la fable de La
Fontaine Le Cheval et l'Ane, le cheval, qui a refusé d'assister l'âne en péril de mort, se voit obligé de
porter la voiture (c'est-à-dire la charge) du baudet. Encore aujourd'hui on appelle lettre de voiture la liste
des marchandises transportées aussi bien par le chemin de fer que par camions.
Restreint à son sens moderne, voiture a bénéficié d'une vitalité remarquable. On aurait pu croire qu'il
serait détrôné par automobile. Il n'en a rien été. Maintenant que les voitures à chevaux ont presque
totalement disparu, il peut se dire, sans risque d'ambiguïté, des automobiles, et l'on entend couramment:
« J'ai laissé ma voiture au garage», « J'ai pris ma voiture», etc.
Le mot char avait précédé voiture comme désignation concrète d'un véhicule à roues. C'est un mot latin
(carrus), mais les Romains l'avaient emprunté aux Gaulois avec d'autres noms de voitures. Les Gaulois
étaient d'habiles charrons et, de plus, les chariots jouaient un rôle important dans leurs déplacements.
César, au début de on récit de la guerre des Gaules, montre les Helvètes rassemblant le plus grand
nombre possible de chariots avant d'entreprendre leur migration.
En dehors de quelques emplois spécialisés (dans la langue de l'agriculture ou la langue militaire), char est
surtout aujourd'hui un terme historique (Les chars de guerre ou de course, de l'antiquité) ou un mot
poétique. Chariot, également, n'a que des emplois limités. Par contre, charrette désigne encore
communément une voiture à deux roues.
Le mot brouette est d'origine latine comme le mot char. Birota, en latin tardif, désigne un véhicule à deux
roues. Si la brouette que nous connaissions a une roue unique, placée à son avant, la brouette du Moyen
Age avait deux roues. L'invention de la brouette à une seule roue ne remonte certainement pas au-delà
de la fin du XVIe siècle. Malgré ce changement, 1e nom de brouette a persisté parce qu'on n'y
reconnaissait plus le préfixe latin bi-(deux).
Jusqu'au XVIe siècle il y avait peu de voitures, sauf pour le transports des marchandises. Les
gentilshommes allaient à cheval, 1es ecclésiastiques et les médecins à dos de mulet. Encore au XVIIe
siècle, les dames et les malades voyageaient en litière. Une litière était un lit couvert porté, sur des
brancards qui dépassaient aux deux extrémités, par deux chevaux marchant l'un en avant, l'autre en
arrière. En ville, on commençait à se servir de chaise à porteurs, dont les porteurs, placés comme les
chevaux des litières, affrontaient la boue et les ruisseaux souvent débordants.
D'Italie vinrent vers le milieu du XVIe siècle, les carrosses (de l'italien carrozza, dérivé de carro, "char").
C'étaient des voitures aussi lourdes que luxueuses, traînées par plusieurs chevaux. Seuls, au moins au
début, les princes et les grands seigneurs possédaient des carrosses. La robustesse de ces voitures, assez
bien suspendues pour l'époque, leur permettait d'effectuer de longs déplacements.
Vers le milieu du XVIIe siècle, les calèches, plus légères que les carrosses, firent leur apparition. Leur
nom est d'origine allemande (Kalesche). Elles furent un moment le dernier cri de l'élégance : un des
Fâcheux de Molière convie ses amis à venir admirer sa calèche à la promenade du Cours* « Marquis,
allons au Cours faire voir ma galèche ... » (I, 1, v. 76) On trouve galèche et calèche.
Les personnes aisées qui n'avaient pas de voiture personnelle voyageaint dans des chaises de poste,
assez rapides. Les moins fortunées avaient recours à des voitures publique appelées coches. Le mot
coche vient de l'allemand Kutsche, lui-mêm d'origine hongroise. Les coches étaient de grandes voitures
peu confortables et fort mal suspendues. La Fontaine a décrit avec humour (dans Le Coche et la Mouche)
la peine que, malgré ses six chevaux, un coche avait à avancer « dans un chemin montant, sablonneux,
malaisé ». Et l'on comprend la raillerie de Dorine, dans Tartuffe, quand, vantant ironiquement à Mariane
Les charmes d'un mariage avec Tartuffe, elle lui dit :
Vous irez par le coche en sa petite ville ...
(Tartuffe, II, 3, v.657)