Page 148 - Livre2_NC
P. 148

Tom Rice / L’unité du film colonial                          139


          Les commentaires de Noble suggèrent que ce modèle d'africanisation, ce
          que Grierson appelait une « véritable unité africaine », était désormais réa-
          lisé en Gold Coast. Les images du tournage de Progress in Kojokrom mon-
          trent également une équipe majoritairement africaine travaillant aux côtés
          de la distribution entièrement africaine. S'exprimant récemment, Graham
          a rejeté l'idée qu'il s'agissait d'une unité coloniale. Non, « colonial était un
          mot sale dans mon vocabulaire », a-t-il déclaré, « nous étions une unité lo-
         cale  ».
              42
                   Les commentaires de Graham soulignent une fois de plus cette
         tension entre le « local » et le « colonial » ou, comme le suggère l'exemple
         de l'Afrique de l'Est, entre les pratiques régionales et la politique centrale.
         Pourtant, il est important de reconnaître que le « local » n'équivaut pas né-
         cessairement à ce que nous pourrions comprendre comme « africain », mais
         plutôt à une administration dirigée par des européens travaillant et vivant
         dans les colonies. En effet, la Gold Coast Film Unit n'était certainement pas
         un modèle d’ « africanisation » à grande échelle pleinement réalisé.

                   En esquissant le désir d'une unité africaine moderne, ni Grier-
         son ni Graham n'ont suggéré que celle-ci soit composée d'une direction
         entièrement africaine, bien que Grierson ait demandé des hommes qui
         en feraient leur « œuvre de vie ». « Il ne s'agit plus d'envoyer des gens en
         Afrique pour faire un film », avait-il lancé, « nous devons créer un corps
         d'hommes qui vivent et travaillent avec le problème africain, qui sont le
         problème africain dans son aspect créatif, le connaissant et vivant avec
         lui  44   ». Sean Graham soulignait également que la compréhension de la
         culture locale devait être une condition préalable à ce travail, mais ce
         n'était certainement pas toujours le cas, car les unités continuaient à im-
         porter du personnel européen sur des contrats à court terme, Graham se
         plaignait fréquemment que les écrivains et cinéastes européens amenés à
         aider  l'unité,  comme  Ray  Elton,  Louis  Macneice  et  Montgomery
         Tully, ne comprenaient pas la culture locale. En 1952, écrivant à basil
         Wright, qui travaillait depuis Londres en tant que producteur associé sur
         The  Boy  Kumasenu  (1952),  Graham  se  plaignait  de  l'incapacité  de
         Tully « à se faire des amis parmi les africains ».
         « L'homme est si sensible que je ne peux pas le pousser dans le village et
         lui dire de se lier d'amitié avec les gens du coin », écrit Graham, « Pour-
         tant, je ne vois pas quel bien cela ferait à nos scénarios que Tully échange
         des confidences avec les européens du club  ».
                                                45
   143   144   145   146   147   148   149   150   151   152   153