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sont fait un avenir dans les pays africains. Pourtant, dans tout le continent
africain, l'Égypte n'est qu'un pays, une source culturelle, un secteur du mar-
ché. Peu de pays africains achètent des films égyptiens et ils produisent
eux-mêmes trop peu de films. En outre, le marché égyptien lui-même est
toujours dominé par les films étrangers.
Des cinéastes africains et arabes ont décidé de produire leurs pro-
pres films. Mais malgré leur qualité indéniable, ces films n'ont aucune
chance d'être distribués normalement chez eux ou dans les pays dominants,
si ce n'est dans des circuits marginaux, les salles d'art et d'essai sans avenir.
Même quelques dizaines de cinéastes supplémentaires ne permet-
traient d'atteindre qu'un ratio d’un pour dix mille films. Une dynamique
créative quotidienne est nécessaire. Il faut changer radicalement la relation
entre les réseaux dominants de production et de distribution euro-américains
et la production et la distribution africaines et arabes que nous devons
contrôler. Ce n'est que dans un esprit de compétition créative et stimulante
entre les cinéastes africains et arabes, que nous pourrons progresser artisti-
quement et devenir « compétitifs » sur le marché mondial. Nous devons
d'abord contrôler nos propres marchés, satisfaire les désirs de nos propres
peuples de libérer leurs écrans, et ensuite établir des relations respectueuses
avec les autres peuples et des échanges équilibrés.
Nous devons changer la relation humiliante entre dominants
et dominés, entre maîtres et esclaves.
Certains critiques fuient cet état de fait catastrophique, pensant que
le cinéma est réservé aux élites occidentales, chrétiennes et capitalistes, ou
ils jettent un manteau de paternalisme fraternel sur nos cinéastes, ignorant
et discréditant nos œuvres, nous blâmant, nous forçant à court terme à une
« mimesis » formelle et éthique, à imiter précisément ces cinémas que nous
dénonçons, afin d'être connus et admis dans le cinéma international; à la
fin, nous forçant à la soumission, renonçant à nos propres vies, créativité et
militantisme.
Depuis notre indépendance, beaucoup de nos cinéastes ont prouvé
leurs capacités d'auteurs. Ils rencontrent des difficultés croissantes pour sur-
vivre et continuer à travailler, car leurs films sont rarement distribués et au-
cune aide n'est disponible. En raison de l'absence totale d'une politique
culturelle globale, le cinéma africain et arabe est relégué à un sous-produit