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Med Hondo / Qu’est-ce que le cinéma pour nous ? 177
exotique et épisodique, limité à des critiques esthétiques dans les festivals
qui, bien que non négligeables, sont insuffisantes.
Les multinationales du cinéma réalisent 50% de leurs bénéfices sur
les écrans du tiers monde. Chaque année, des millions de dollars sont « ré-
coltés » sur nos continents, ramenés dans les pays d'origine, puis utilisés
pour produire de nouveaux films qui arrivent à nouveau sur nos écrans.
Ainsi, chaque pays contribue sans le savoir à la production de films
à Paris, New York, Londres, Rome ou Hong Kong. Nous n'avons aucun
contrôle sur eux et n'en tirons aucun bénéfice financier ou moral, n'étant
impliqués ni dans la production, ni dans la distribution. En réalité, nous
sommes contraints d'être des « coproducteurs » tandis que nos ressources
sont pillées. Les États-Unis autorisent moins de 13% des films étrangers à
entrer sur leur marché et, la plupart d'entre eux sont produits par des filiales
européennes contrôlées par les majors américaines qui exercent un protec-
tionnisme absolu.
Le cinéma joue un rôle majeur dans la construction de la conscience
des peuples. Le cinéma est le mécanisme par excellence pour pénétrer l'es-
prit de nos peuples, influencer leur comportement social quotidien, les
orienter et les détourner de leurs responsabilités nationales historiques. Il
impose des modèles et des références étrangers et insidieux et sans
contrainte apparente, il encourage nos peuples à adopter des modes de com-
portement et de communication basés sur les idéologies dominantes. Cela
nuit à notre propre développement culturel et bloque une véritable commu-
nication entre africains et arabes, frères et amis historiquement unis depuis
des milliers d'années.
Cette aliénation diffusée par l'image est d'autant plus dangereuse
qu'elle est insidieuse, non controversée, « acceptée » et apparemment inof-
fensive et neutre. Elle n'a pas besoin de forces armées ni de programme
éducatif permanent de la part de ceux qui cherchent à maintenir la division
entre les peuples africains et arabes, notre faiblesse, notre soumission, notre
servitude et notre ignorance les uns des autres et de notre propre histoire.
Nous oublions notre héritage positif, uni par nos aïeux à toute l'humanité.
Et surtout, nous n'avons pas notre mot à dire dans la marche de l'histoire du
monde.
L'impérialisme dominant cherche à empêcher la présentation des
valeurs africaines et arabes aux autres nations. S'ils appréciaient nos valeurs
et notre comportement, ils pourraient réagir positivement à notre égard. Ils