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Férid Boughedir / Un cinéma en lutte pour sa liberté         181

          La domination par les firmes étrangères

                 C'est pourtant en termes de rivalité avec cette distribution cinéma-
         tographique étrangère que la « courte » histoire du cinéma africain sera
         écrite de bout en bout. Car les films étrangers (souvent les pires déchets de
         la production mondiale) étaient distribués par les grandes compagnies oc-
         cidentales qui contrôlaient le marché cinématographique des pays africains,
         et voyaient d'un mauvais œil l'apparition d'un jeune cinéma africain qui al-
         lait concurrencer leurs films et nuire à leur rentabilité et à leur influence.

                 Plusieurs pays africains comme la Tunisie ou la Haute-Volta (au-
         jourd'hui Burkina Faso), ayant tenté de créer un monopole national sur l'im-
         portation de films pour contrôler leur marché et réserver un « temps d'écran
         » à  leur  production naissante, ont été sanctionnés par des boycotts au
         niveau de leur approvisionnement en films. Les grandes sociétés, qui se sont
         regroupées dans des trusts à responsabilité conjointe, ont obligé les États
         concernés à faire marche  arrière en  imposant  des  restrictions à leurs
         bénéfices. Privé d'écrans et de public payant, le film africain ne pourra ja-
         mais récupérer le coût du retour et de l'accouchement d'un second film: le
         cinéma africain est condamné à être mort-né.
         Premier succès du cinéma africain


                 Face à cette situation et, surtout face à l'inertie de leurs gouverne-
         ments quant à l'avenir du cinéma réservé au petit et simple « amusement »,
         les producteurs de films africains ont été tout naturellement amenés à re-
         grouper leurs efforts pour tenter une unité à l'échelle du continent.
         Une première occasion de se rencontrer leur fut offerte avec la création, en
         1966, par le ministre tunisien de la Culture, du festival panafricain des
         «  Journées Cinématographiques  de Carthage »  (qui acclama le premier
         long-métrage d'Ousmane Sembène La Noire de... / Black Girl), bientôt
         suivi en 1969 par le « Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou »
         (Burkina Faso). L'année suivante voit la création de la Fédération Panafri-
         caine des Cinéastes (FEPACI) qui réunit trente-trois pays du continent et
         dont le credo, comme celui des deux festivals, est d'être une voix d'incitation
         auprès des gouvernements africains afin qu'ils prennent les mesures pro-
         tectionnistes nécessaires à la survie de leur cinéma naissant, un cinéma qui
         confirme ses promesses avec des premiers essais à la hauteur des œuvres
         des maîtres.
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