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Férid Boughedir / Un cinéma en lutte pour sa liberté         183

         droit naturel de choisir les films qu'il importe et de libérer du temps d'écran
          pour ses productions locales. Le pays devint rapidement l'un des plus four-
          nis du continent.

          Réveils nationalistes

                 Le succès rencontré par le cinéma algérien va donner lieu à une
          série de nationalisations cinématographiques dans plusieurs pays africains
          qui prennent le contrôle de leurs écrans. Le Sénégal décrète un monopole
          national sur l'importation des films en janvier 1974. Il est bientôt suivi par
          le Bénin, puis en 1975 par Madagascar. Le Congo fait de même en 1979.

                 Alors que la production sénégalaise se développe, le Bénin réalise
         son premier long métrage, et le Burkina Faso en est déjà à son deuxième.
         Octobre 1974 voit l'apogée de ces initiatives lors de la cinquième session
         des « Journées Cinématographiques de Carthage », première « : conférence
          sur la distribution et la production des films africains et arabes », réunissant
          les dirigeants des nouvelles sociétés nationales de cinéma. Ils conclurent
          qu'il était nécessaire de regrouper le marché cinématographique africain
          afin de créer une nécessaire rentabilité des films locaux: rentabilité qui avait
          été impossible dans chaque territoire isolé. Lors des conférences suivantes,
          qui se sont tenues à Carthage et à Ouagadougou, à Maputo au Mozambique
          et à Mogadiscio en Somalie, les producteurs de films ont réussi à élaborer
          une stratégie en trois points pour la libération et la viabilité des cinémas na-
          tionaux en Afrique, une stratégie qui dépend entièrement de l'intervention
          de l'État.


          Le succès à Cannes
                 L'année 1975, qui voit le triomphe du cinéma africain à l'échelle
         mondiale: la palme d'or du Festival de Cannes est décernée au film algérien
         Chronique  des  Annees  de  Braise  /  Chronicle  of  the  Years  of  Fire  de
         Lakhdar Hamina, remportant ainsi la récompense suprême du plus grand
         festi-  val  du  monde. La  même année, une véritable école du  cinéma
         sénégalais voit le jour avec plusieurs films produits par la Jeune Société
         Nationale de Cinéma. Citons notamment N'Diangane et Garga M'Bosse, du
         célèbre  Mahama  Traoré  (sur  l'enfance  perdue  et  les  drames  de  la
         sécheresse),  et  Xala  d'Ousmane  Sembène,  parodie  au  vitriol  de
         l'impuissance congénitale de la nouvelle bourgeoisie africaine qui veut
         imiter l'Occident.
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