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             Balin), une poule de luxe, en visite à Alger avec son riche amant marchand
             de champagne. Bien que Pépé sache qu'il sera arrêté s'il quitte la Casbah, il
             tente néanmoins d'accompagner Gaby lors de son départ. Capturé et me-
             notté, il se poignarde sur le quai, tandis que Gaby, sans méfiance, prend la
             mer  .
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                       Comme la plupart des films coloniaux, il s'agit d'un drame pu-
             rement européen, pour lequel les habitants d'Alger (et dans une large mesure
             le décor lui-même) n'ont aucune importance. Ce qui est très frappant d'un
             point de vue actuel, c'est le traitement du décor et des personnages arabes.
             Lorsque le chef de la police française locale, Slimane, décrit la Casbah, il
             mentionne neuf types nationaux ou raciaux qui composent les quarante
             mille habitants de la Casbah, mais le mot « Arabe » n'apparaît pas. Il n'y a,
             comme l'ont noté la plupart des commentateurs du film, aucun Arabe dans
             la Casbah! Slimane est stéréotypé comme un oriental rusé et perfide, détesté
             par ses supérieurs français, et Inès, la petite amie de Pépé (l'actrice française
             Line Noro), est dépeinte non pas comme une Arabe, mais comme une
             gi-  tane, avec un maquillage  sombre,  des cheveux  noirs  crépus et  de
             grandes  boucles  d'oreilles.  Comme  le  note  le  critique  algérien
             Abdelghani Megherbi, « Duvivier n'a pas jugé utile de donner le moindre
             rôle à des algé- riens. Ces derniers, comme c'était l'usage, faisaient partie
             intégrante du décor dont le cinéma colonial se nourrissait abondamment  ».
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             Le seul nom arabe au générique est celui de Mohamed Iguerbouchen, qui
             a fourni la musique « orientale » pour compléter la partition efficace mais
             fondamen- talement occidentale de Vincent Scotto.

             Tunisie
                       Le seul cinéaste pionnier à avoir travaillé de manière indépen-
             dante au Maghreb ou en Afrique de l'Ouest sous le colonialisme est le Tu-
             nisien Albert Samama Chikly (1872-1934), une figure remarquable à tous
             égards pour être un pionnier du cinéma arabe et africain. D'une part, Chikly
             était juif, fils du banquier du Bey de Tunis, qui avait acquis la nationalité
             française.  L'épouse  italienne  de  Chikly  et  son  unique  enfant,  sa  fille
             Haydée, se sont tous deux convertis à l'Islam, et il n'y a aucun doute quant
             à son sentiment personnel de son identité tunisienne. Mais après avoir fui
             en mer  à  l'adolescence,  Chikly  est  resté  fasciné  par  l'Occident  et  sa
             technolo- gie. Il est l'un des premiers tunisiens à posséder une bicyclette,
             qu'il  utilise pour explorer le  Sud  tunisien.  Il crée  ensuite le premier
             laboratoire de ra- diologie à Tunis et importe du matériel radio quelques
             mois après que l'invention de Marconi est connue et alors qu'il s'agit encore
             d'une  technologie expérimentale.  En  tant  que  photographe  actif,  il  est
             inévitablement fasciné
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