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Garcin le forgeron coutumier du bruit des marteaux, teint
maintenant entre ses mains la lourdeur d’avoir perdu beaucoup
d’amis.
Carole, silencieuse, passe de l’un a l’autre, pour une petite
prière, pose la main sur celle d’un jeune homme et referme les
yeux d’un autre.
Le vieux sénéchal Aimatei, auquel, on eut cru qui avait perdu
la sensibilité, remue la terre avec une telle rage contenue
qu’on comprit qu’il pleurait a sa façon.
On enveloppe les morts de tuniques propres, d’un linge blanc
quand on peut, pour ceux que la bataille avait surpris sans
vêtement digne. On fit un linceul avec la bannière trop
abimée, sur chaque poitrine on pose une branche de laurier ou
un brin d’herbe cueilli à la hâte. Geste humble mais sacré.
Un enfant trop jeune pour comprendre serre contre sa poitrine
d’un défunt le petit flacon d’eau qui lui avait été donnée la
veille.
Le père Roland et le prêtre Adam, debout devant les fosses
creusées, lurent les paroles du rituel, la bénédiction, renvoi de
l’âme pour le repos éternelle.
Les hommes s’agenouillèrent, beaucoup pleuraient.
Pierre-Raymond d’une voix brisée mais ferme.
Donne nom, a ceux qui peuvent encore recevoir un nom.
Evoque le courage : du sergent Aymon, du jeune Thibaut le
visage d’un homme dont la femme attendait un enfant.
Il parle peu, mais chaque mot sonne comme si tous ses
hommes tombés sont ses frères ou ses enfants. RENA - Les Compagnons Forgerons
Nous porterons vos enfants, nous garderons vos champs, votre
mémoire vivra près de ces pierres pour des siècles.
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