Page 33 - Miettes
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Oui, maman avait cessé de s’alimenter. A s’entendre dire tant de
               choses niant ses souffrances, sa douleur, et l’annihilant de toute
               capacité physique, elle avait fini par douter profondément d’elle-
               même. Et s’ils avaient tous raison ? Et si elle était véritablement
               en train de devenir folle ? Puis elle s’était raccrochée à une subite
               évidence. « Le fou s’ignore », or elle se questionnait sur le sujet.
               Donc elle ne pouvait l’être sinon elle ne pourrait l’envisager… Cela
               l’avait  propulsée  un  peu,  quelques  jours  durant,  avant  que
               l’acharnement thérapeutique n’ait finalement raison de sa santé et
               lui siphonne toute énergie qui lui restait encore, et nécessaire à sa
               subsistance. La machine médicale l’avait gobée et le monstre était
               déjà en train de digérer ma mère sous les yeux de tous.

               Papy  ce  héros  avait  finalement  éventré  à  bête.  Il  avait  arraché
               maman de ses entrailles. Il l’en avait ressortie toute chiffonnée,
               toute creuse et vide. Sa force vitale avait été sucée au sang en
               hors d’œuvre. Maman ne pesait plus qu’une quarantaine de kilos.
               On aurait dit un corps sans âme, sec, comme un pruneau. Mais
               son cœur battait encore et il n’en saurait être autrement. Papy allait
               s’atteler à la remettre sur pieds. Il allait réveiller la battante qui
               sommeillait  en  elle,  terrée  quelque  part.  Il  allait  la  reconstruire,
               pièce par pièce. Il allait me rendre ma maman.











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